Vin

Béziers, le canal du Midi et la Méditerranée. Cette trilogie languedocienne est dessinée par la vigne, la mer Méditerranée et la ville de Béziers. Le canal du Midi, classé UNESCO, traverse en trait d’union cette terre antique où la viticulture a 2 000 ans d’existence. La vigne court partout, entre plaines et collines, avec son cortège d’amandiers, de figuiers et de pins  : c’est la “Toscane languedocienne” qui n’oublie pas que Jean Jaurès a inauguré à Maraussan la première cave coopérative viticole de France.

Plusieurs appellations coexistent sur ce territoire, 1 AOP ( AOP Coteaux du Languedoc) et 3 IGP (IGP Coteaux d’Ensérune, IGP Coteaux de Béziers, IGP Côtes de Thongue). Preuve de sa richesse viticole.

Au milieu du XIXe siècle, les quatre départements français qui bordent le golfe du Lion se sont spécialisés dans la viticulture. Gard, Hérault, Aude et Pyrénées-Orientales ont su transformer leurs plaines arides en superbes vignobles.

Mais de 1900 à 1906, la production de vin du Languedoc grimpe de 16 à 21 millions d’hectolitres. La surproduction se solde par une mévente et une chute brutale des prix. Ceux-ci sont divisés par deux ou par trois en quelques années. C’est la ruine pour de nombreux Languedociens : petits viticulteurs qui n’arrivent pas à rembourser leurs dettes mais aussi négociants dont le sort est suspendu à celui de la viticulture.

Les Languedociens réclament pour le moins l’abrogation de la loi de 1903 sur la « chaptalisation » et une surtaxe sur le sucre pour décourager les importations. Mais le Président du Conseil, l’inflexible Georges Clemenceau, ne veut rien entendre.

Marcelin Albert, cafetier et vigneron d’Argeliers, dans l’Aude, prend la tête de la révolte. Le 12 mai 1907, il avertit le gouvernement que si rien n’est fait avant le 10 juin, il décrétera la grève de l’impôt et appellera les municipalités à démissionner.

La veille de la date fatidique, Montpellier accueille pas moins de 600.000 manifestants. Du jamais vu !

Clemenceau en appelle au sentiment républicain des maires et, dans le même temps, envoie dans le Midi 27 régiments.

Du drame à la farce

Le drame survient à Narbonne, le 19 juin 1907, où les soldats tirent sur la foule, faisant deux morts dont un adolescent. Le lendemain, nouveau drame face à une foule qui hurle sa haine : cinq morts.

À Agde, petite ville à l’embouchure de l’Hérault, 600 soldats du 17e régiment d’infanterie prennent connaissance de la tuerie de Narbonne. Ils se mutinent et gagnent Béziers où ils sont accueillis par une population en liesse.

Le dimanche 23 juin 1907, Marcelin Albert se présente de son propre chef au ministère de l’Intérieur, place Beauvau, et demande à rencontrer le Président du Conseil.

Georges Clemenceau le reçoit dans son bureau en tête à tête. Il lui fait la morale avant de lui remettre un billet de 100 francs pour le train du retour. Le rebelle accepte mais promet de le rembourser.

Le Président du Conseil convoque aussitôt la presse et raconte à sa manière l’entrevue, prétendant que le cafetier a éclaté en sanglots et laissant entendre qu’il n’aurait pas toute sa tête.

Finalement, le gouvernement établit une surtaxe sur le sucre et réglemente sévèrement le négoce du vin, donnant ainsi raison aux manifestants.

Le Languedoc conserve le souvenir aigu de cette révolte anachronique et ne manque pas d’invoquer les mânes de Marcelin Albert chaque fois que la concurrence ou les règlements menacent son vin.

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Crise de la filière du vin dans l’Hérault : “la distillation c’est dur mais c’est un moindre mal”

Distillation, arrachage de vignes, quelles sont les solutions pour un marché du vin en tension ? Le 6 février 2023, l’état a annoncé un plan d’aide de financement pour la filière viti-vinicole.

Un millier de vignerons avaient manifesté à Bordeaux le 6 décembre 2022 pour demander l’aide de l’État. Nécessaire, selon eux, à la survie de la filière. Le jeudi 26 janvier 2022, une partie d’enbtre eux s’étaient à nouveau réunis en soutien aux représentants nationaux de la filière qui étaient reçus par le ministre de l’Agriculture Marc Fresneau.

La filière viti-vinicole est majeure pour l’économie française : tant dans l’aspect commercial du pays que dans l’aspect économique de ses départements. Depuis 2019, la filière a essuyé de nombreuses crises.

Un marché en tension

Guilhem Vigroux, secrétaire général de la chambre d’agriculture de l’Hérault décrit les trois chocs qui ont frappé l’économie de manière générale et donc celle du vin :

Ces bouleversements de consommation entraînent des difficultés structurelles et conjoncturelles :

  • Structurelles : cela signifie que le vin sur le marché n’est plus adapté aux désirs du consommateur. C’est notamment le cas de certains vins de Bordeaux, des Côtes du Rhône et du Languedoc. Ici, la solution aux difficultés économiques serait plutôt l’arrachage des vignes.
  • Conjoncturelles : cela signifie qu’un marché a été perdu et qu’il faut le retrouve ou le compenser. C’est notamment le cas dans l’Hérault. Ici, la solution aux difficultés économiques serait plutôt la distillation (le fait distiller le vin en bioéthanol, parfums ou gel hydroalcoolique).

Le 6 février 2023, le Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a donc annoncé un plan financier d’aide pour la filière viti-vinicole.

200 millions d’euros levés pour la distillation

Une enveloppe de 160 millions d’euros est prévue au niveau national pour soutenir le processus de distillation de crise.

Des fonds d’urgence ont aussi été demandés au Conseil des ministres de l’Union européenne : 40 millions d’euros sont en attente de validation.

Mais la démarche de distillation n’est pas courante. Utilisée en 2020 pour écouler les excédents de vin et aider les viticulteurs français : si cette solution soulage le marché, elle n’est pas évidente.

Le vin, c’est le fruit de notre travail. On travaille toute l’année et on le détruit. 5 ou 10% de notre vin distillé, ça fait mal au ventre. C’est perturbant mais c’est un moindre mal.Guilhem Vigroux, secrétaire général de la chambre d’agriculture de l’Hérault

Distiller 65 à 70 hectolitres de sa production, ce n’est pas rémunérateur explique Guilhem Vigroux. “On perd un peu d’argent mais parfois il vaut mieux faire un sacrifice sur une petite partie de sa récolte plutôt que de perdre de la valeur sur toute sa récolte : c’est une question de bonne gestion.”

Hérault : distillation ou arrachage ?

Dans l’Hérault, selon les chiffres du département, la viticulture représente 80 % de l’agriculture héraultaise. 84 900 hectares, soit près de 45% de l’espace agricole est consacré à la viticulture.

La situation économique de la filière viti-vinicole est très hétérogène. D’après Guilhem Vigroux, il a notamment un problème d’évacuation du vin BIO, à cause de la baisse du pouvoir d’achat des Héraultais.

Si quelques zones viticole devront envisager l’arrachage des vignes comme solution, le département est plus enclin à envisager la distillation.

“On a bon espoir que les professionnels du vin fassent leurs demandes de dossier de distillation au niveau national mais on espère vraiment que tout le monde va y aller pour soulager le marché en tension”.

Pour le moment l’économie est perturbée mais le viticulteur, optimiste, espère un rapide retour à la normale.

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Source :

https://www.herodote.net

https://www.tourisme-occitanie.com

https://france3-regions.francetvinfo.fr (Sixtine Boyer 10.02.2023)