Les neuf écluses de Fonseranes

En 2018, Fonseranes acceuilli 450 000 visiteurs par an. C’est le troisième site d’Occitanie le plus visité après la Cité de Carcassonne et le Pont du Gard. (NDLR)

“Depuis plusieurs années déjà, l’Agglo a investi sur ce secteur-là en même temps qu’elle réfléchissait à la réalisation des Neuf-écluses, rappelle Frédéric Lacas, le président de Béziers Méditerranée. Elle s’est lancée dans une acquisition progressive de toutes les parcelles qui longent le quai Port-Notre-Dame, à la fois un lieu hautement historique de notre territoire et un lieu laissé à l’abandon”.

L’histoire des écluses commence au début du XVIIe siècle. Le jeune Pierre-Paul Riquet assiste, avec son père, aux États du Languedoc. Et le Biterrois Bernard d’Arribat parle d’un projet qui relierait l’océan Atlantique et la mer Méditerranée.

Quatorze ans de travaux

Pour l’enfant, cette idée devient un rêve qui ne le quittera plus. Adulte, il devient fermier des gabelles, mais le projet de canal des deux mers ne l’a pas quitté. À la cinquantaine passée, il décide d’écrire à Colbert, ministre des Finances de Louis XIV. À force d’arguments, il réussit à le convaincre de l’intérêt d’un tel chantier. L’édit pour la construction du Canal royal des deux mers est signé par le Roi Soleil et son ministre en 1666, mais il sera réalisé avec les propres deniers de Pierre-Paul Riquet.

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Les travaux dureront quatorze ans, mobiliseront 12 000 ouvriers, dont 700 femmes. Le 1er octobre 1680, Pierre-Paul Riquet succombe à un accès de fièvre. Il ne restait qu’une lieue à creuser pour que le canal relie, enfin, Toulouse à la mer. Son fils, Jean-Mathias, terminera le rêve de son père.

Maison du Site des 9 écluses de Fonseranes

Chemin des écluses

34500 Béziers

Cinéma immersif ouvert aux groupes tous les jours sur réservation uniquement. Durée : 14 mn. Séances toutes les 20 mn.
Plus d’information sur les groupes : 04 99 41 36 36

Une seule écluse, mais 8 bassins de forme ovoïde (spécifique au canal du Midi) et 9 portes composent ce qu’on appelle aujourd’hui les « Neuf écluses ». Grande spécificité du Canal du Midi, les bassins sont de forme ovoïde. Au total, c’est un dénivelé de 21,50m que les péniches descendent (ou montent !) sur 312m de long.

Au 19ème siècle, lorsqu’il a été décidé ‘abandonner la traversée dans le lit de l’Orb et de construire un pont-canal, le 7e bassin a été modifié pour être raccordé au nouveau bief menant au pont.

Ne sont donc désormais utilisées que 6 écluses-7portes. Sur l’ancien tracé du canal, il existe une dernière écluse à l’embouchure sur l’Orb (écluse double de Notre-Dame abandonnée).

Le Canal du Midi, qui relie Toulouse à la Méditerranée passe notamment par la ville de Béziers. C’est ici que l’on trouve les 9 écluses de Fonseranes, site fréquenté par 400 000 personnes chaque année ce qui en fait le 3e site patrimonial le plus visité !

La construction du Pont-Canal

À la hauteur de Béziers, le Canal royal descendait les 9 écluses de Fonseranes, avant de traverser l’Orb, et rejoindre l’autre rive, au Pont-Rouge, au bout de l’actuel quai du Commandant-Cousteau. Les péniches étaient tirées par des chevaux sur les chemins de halage.

Mais l’Orb est un fleuve capricieux et pour faciliter le passage des péniches, en 1854, Urbain Maguès, directeur des travaux du canal du Midi, a lancé la construction du Pont-Canal. Les travaux dureront jusqu’en 1857. L’ouvrage, sous forme de pont, permet aux embarcations de passer par-dessus l’Orb et, ainsi, d’éviter les crues du fleuve ou, l’été, son assèchement.

Cet aménagement a entraîné la fermeture définitive de deux écluses qui sont donc passées de neuf à sept.

Au sujet de la manière dont s’écrit “Fonserannes”, je me dois de vous indiquer que vous rencontrerez à peu près toutes les orthographes possibles. D’abord, sur les cartes anciennes, vous trouverez souvent “Fonceranes”, c’est aussi le cas de la carte de Nolin (1697). Parfois, et toujours dans le passé, vous trouverez encore “Foncerane”.

Sur le site lui même, les panneaux indicateurs mentionnent “Fonseranes”. L’Institut Géographique National (IGN), dans les cartes qu’il édite, écrit “Foncerannes”, et cet organisme est réputé pour veiller avec soin à la toponymie. Au bout du compte, vous trouverez les orthographes les plus variées ! En définitive, j’ai choisi d’adopter l’orthographe de “Fonseranes” qui me parait aujourd’hui la plus courante, et qui est également celle qui est utilisée dans le Guide du Voyageur sur le Canal du Midi édité en 1853.

Rencontre avec Emmanuel, éclusier, passeur de bateaux

Un dimanche sur deux, Midi Libre fait découvrir un métier insolite ou fascinant. Pour ouvrir cette série, suivons Emmanuel Dordet dans son rôle essentiel sur le site des 9 Écluses, à Béziers.

Les saisons, ça le connaît. En charge des remontées mécaniques durant l’hiver, Emmanuel Dordet travaille également depuis 5 ans sur le magnifique site des 9 Écluses. “Je cherchais un cadeau pour les 70 ans de mes parents. Puis m’est venu l’idée de louer une pénichette pour traverser le canal du Nivernais en Bourgogne. Et c’est là que j’ai rencontré les éclusiers. Qui ont un rapport aux autres extraordinaire, plein de richesses et de sympathie”, raconte-t-il. Il décide alors de rejoindre cet univers et se retrouve aux 9 Écluses de Fonseranes à Béziers.

“C’est un monde de lenteur et de contemplation”

De mars à novembre, chaque matin, aux alentours de 8 h 45 et avec les 18 autres saisonniers, il assure la sécurité du lieu. Contrôle du niveau d’eau des biefs (portion entre deux écluses NDLR) qui doit être à 1 m 40 ; ou encore vérification du mécanisme pour s’assurer que rien n’encombre le système d’ouvertures des portes, font partie de sa routine matinale. Puis à 9 heures, le défilé des bateaux commence. Les premiers arrivés attendent pour remonter la pente d’eau. Emmanuel, avec les autres éclusiers postés à chaque passage, va donc ouvrir l’accès, porte après porte, pour que l’eau ait le temps de remplir les biefs et ainsi permettre aux bateaux de traverser sans encombre. Une remontée qui prend environ 45 minutes. “C’est un monde de lenteur et de contemplation”, souligne-t-il. Puis lorsque le dernier bateau est remonté, les éclusiers assurent le rôle inverse jusqu’à 19 h 30 environ. “C’est très répétitif, mais la passion est là”.

1 200 à 1 300 bateaux au mois d’août

Et de la passion il en faut ! Car si les missions sont effectivement répétitives, elles ne laissent pas le droit à l’erreur. Les éclusiers se doivent d’être vigilants pour faire traverser la trentaine de bateau chaque jour. “Et en août, on est plus aux alentours de 1 200 à 1 300 bateaux sur tout le mois, précise le saisonnier. On va donc les conseiller et les placer, pour faire en sorte d’en passer un maximum”, poursuit-il. Que ce soient des voiliers de particuliers ou des péniches touristiques. Car si les 9 Écluses constituent une étape du Canal du Midi, certains viennent spécialement pour franchir cet ouvrage exceptionnel. “Notre rôle est aussi d’offrir une belle image de l’un des plus beaux ouvrages du coin”, précise Emmanuel Dordet.

Sentinelles

En plus des saisonniers, présents pendant huit mois, une dizaine de titulaires travaillent tout au long de l’année. Certains habitent même sur place pour assurer la maintenance du mécanisme ainsi qu’une surveillance. ” Lors des fortes pluies, si au Caroux ça déborde, l’Orb débordera lui aussi. On va donc ouvrir les barrages, ce qui risque de noyer les écluses, et détériorer le mécanisme. Donc l’éclusier est là pour ouvrir les portes “, explique-t-il.

Une vigilance à toute épreuve, qui rend ce métier atypique. “J’ai 56 ans aujourd’hui. Et je suis prêt à changer beaucoup de choses, mais pas ça. Je resterai là jusqu’à ma retraite”, insiste l’éclusier.

Une prouesse architecturale

Après Versailles, le Canal du Midi est le plus grand chantier du règne de Louis XIV. Avec son système d’escaliers permettant aux bateaux de franchir un dénivelé de 13 à 20 mètres, les 9 Écluses fonctionnent aujourd’hui à peu près comme au XVIIe siècle. Une prouesse technique reconnue mondialement. En octobre 1997, les 9 Écluses de Fonseranes ont été classées au titre des Monuments Historiques. En décembre de la même année, c’est le Canal du Midi qui a été classé au Patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO.

Et demain, quel visage pour ce quartier

Cette partie du Faubourg est un maillon essentiel du cheminement prévu entre les Neuf-Écluses et l’Acropole, intégré au projet de requalification de l’entrée Ouest. « La poursuite de l’aménagement entre Fonseranes et le quai Port-Notre-Dame vers l’Orb revêt donc une importance capitale. Une nouvelle ère s’ouvre pour ce quartier. » Un appel à projets doit être lancé. “Nous sommes dans la continuité du secteur touristique de Fonseranes, une vitrine commerciale. En faisant revivre ce quartier, l’objectif est de créer un parcours touristique complet”. On parle de l’implantation d’un musée de l’ASBH. Il est fort probable que la Maison des vins se situe là également. “C’est un secteur que l’on souhaite rendre vivant avec une politique d’animations culturelles.” Avec, peutêtre des résidences d’artistes, des ateliers, l’implantation d’artisans qui reviendraient revitaliser le secteur et un peu d’habitat. “Sachant que nous sommes sur des opérations qui sont contraintes par le PPRI (inondations). Leur nombre sera limité, de 50 à 100”. L’un des enjeux est de faire en sorte que les gens venant à Fonseranes prolongent ensuite jusqu’en centre-ville.

Le quai en question longe l’ancien tronçon du canal du Midi qui existait avant la création du pont-Canal, appelé le Canalet. Aujourd’hui, les péniches et autres embarcations ne circulent plus sur cette partie étroite et peu profonde. Un site chargé donc d’histoire puisque jusqu’à la construction du pont-Canal sur l’Orb, en 1857, il servit à la commercialisation du vin.

L’Agglo, propriétaire de 2 hectares

Reconverti ensuite en zone d’entrepôts puis de casse automobile, il avait besoin d’une seconde jeunesse. “Nous avons travaillé de concert avec l’OPH pour proposer aux quelques personnes y vivant d’être relogées, et aux artisans, encore présents, d’être accompagnés par les services du développement économique dans leur réimplantation sur d’autres sites de la ville de Béziers, reprend Frédéric Lacas. Cela a bien fonctionné. Nous n’avons pas eu une seule procédure d’expulsion. Nous avons réussi à acquérir progressivement l’ensemble du foncier, l’équivalent de 2 ha”.

Depuis plusieurs semaines, le dossier s’est accéléré. Et, sur place, les tractopelles sont entrées en action. “Nous avons engagé, avec l’appui des services de l’état, la démolition partielle ou totale des habitations ou hangars.” Partiel, puisque certains bâtiments comme la maison du service vicinal ou encore des façades historiques aux génoises et aux fenêtres datant du XVIIIe siècle font parties intégrantes du périmètre Unesco du canal du Midi. Une nouvelle ère s’ouvre.

# 15 : c’est en millions d’euros le budget prévu par l’Agglo Béziers Méditerranée pour la réhabilitation du projet incluant le quai Port-Notre-Dame et l’entrée Ouest.

Fonseranes : l’emblème

Le chantier avait été officiellement lancé le 4 mars 2016. En présence de tous les partenaires. Après dix-huit mois de travaux, le site de Fonseranes était inauguré en juillet 2017. Pour rendre un site, tout neuf tout beau. « La rénovation du site de Fonseranes, c’est le projet emblématique qui va permettre de réamorcer un cercle vertueux de l’aménagement de Béziers. Le tout dans un cadre splendide. C’est la démonstration de ce qu’on peut faire pour le Biterrois. Un projet ambitieux », détaillait Frédéric Lacas, à l’époque. Fonseranes est le premier site touristique le plus visité de l’Hérault. C’est désormais par l’Ouest que les visiteurs arrivent, grâce à un accès facilité depuis la RD 64 et l’A9. Coût : 12 M€.

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Sources:

http://www.oui.sncf

http://www.beziers-in-mediterranee.com

http://www.en.numista.com

http://www.canaldumidi.com/Biterrois/Fonserannes

http://www.geneanet.org

http://www.cparama.com

http://www.midilibre.fr (2.10.2022 / EB – 16.07.2019 / Jennifer Franco 29.6.2018)