2.9.2001 La Devéze – Safir Bghioua sème la terreur

Vingt ans après le drame, l’ancien maire de Béziers Raymond Couderc toujours sidéré par cet acte

Raymond Couderc n’a jamais admis cette nuit de violence.

Raymond Couderc n’a jamais admis cette nuit de violence. (Midi Libre)

31.8.2021 L’incompréhension est toujours de mise dans l’esprit du maire de Béziers en 2001.

“Nous sommes sans voix devant des choses comme ça, déclarait au Président Jacques Chirac, le maire de Béziers Raymond Couderc. C’est vraiment épouvantable.” À l’époque, effondré, épuisé par un long voyage en avion mais aussi par la douleur de son ami disparu, Jean Farret, abattu par le forcené, il affrontait une horde de médias qui le pressait de questions.

Vingt ans après, Raymond Couderc garde cette même émotion dans le regard quand il évoque cet épisode de sa vie politique. “C’est sans doute le moment le plus douloureux que j’ai été amené à vivre durant toute ma carrière politique. Jean était un fidèle parmi les fidèles. Il n’y avait pas plus proche que lui à la mairie.” 

La voix s’étrangle. “Nous étions dans une période de vacances, un moment creux après les fêtes, juste après la Feria. J’étais parti dix jours en Afrique du Sud.” Le 1er septembre, Raymond Couderc embarque au Cap pour rentrer sur Roissy. En atterrissant le matin tôt, il remet son téléphone en marche. Et là il avait un premier appel, un peu avant 8 h.

“Je crois me souvenir qu’il s’agissait du commandant des pompiers qui m’annonçait de graves événements qui se passaient dans Béziers, à La Devèze avec des policiers attaqués.” Il fallait du temps à l’époque pour charger les messageries et un second message lui annonce l’attaque du commissariat. Raymond Couderc n’a pas le temps d’embarquer vers Montpellier qu’il reçoit un premier appel direct. “On m’annonce alors que Jean vient d’être assassiné à la station-service de l’avenue Rhin-et-Danube.” 

Toujours très marqué

Raymond Couderc est toujours très marqué par cet événement dramatique auquel personne ne s’attendait. Il survenait quelques mois après les élections municipales de 2001. Raymond Couderc devait changer de directeur de cabinet, Jean Farret étant atteint par la limite d’âge et son remplaçant n’avait pas encore pris ses marques. “Jean allait partir, il n’y avait rien de programmé. Il avait dépassé l’âge limite et la préfecture ne voulait plus qu’il continue. C’était une période de transition et Jean gérait la mairie en l’absence de tous.” 

Comme en 2001, la sidération l’emporte encore 20 ans après. “Béziers est une ville calme. Comment peut-on imaginer pareil événement ? Quand je suis arrivé sur Béziers, nous nous sommes regroupés chez Jean Farret autour de la famille. Nous étions tous sidérés. Nous ne comprenions pas ce qui arrivait. Pourquoi chez nous ?” 

“C’était un véritable secret d’État”

“Jamais de nouvelles sur ce dossier !” L’enquête de l’attaque de B’Ghouia va suivre son cours, loin de la sphère biterroise. Laissant le maire de Béziers face à de très vagues informations et à énormément de questionnements. “Nous avons eu tout de suite cette intuition qu’il s’agissait d’un attentat djihadiste. Mais jamais personne ne nous a communiqué la moindre information sur ce point. C’était un véritable secret d’État. Même le député que j’avais été ou le sénateur que je suis devenu, n’a jamais pu obtenir la moindre certitude sur cet acte odieux. Il ne fallait même pas en parler à l’époque.” 

Et même quand le maire de Béziers posait des questions dans les plus hautes sphères de l’état, tout le monde restait muet. “On nous répondait systématiquement “on ne sait pas”. On nous a indiqué que l’enquête était en cours. Il n’était pas question de gêner. Nous avons très bien compris que l’ordre avait été donné de faire le black-out sur ce dossier.” 

Après la sidération, il y a eu le temps du recueillement au palais des congrès de Béziers, bien trop petit pour accueillir la foule de personnes qui souhaitait rendre hommage au disparu. Et quelques CRS pour renforcer les forces de police locales.

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Dix jours avant le 11 septembre 2001, “l’attentat” oublié de Béziers

Dans la nuit du 1er au 2 septembre 2001, dix jours avant l’attaque des tours jumelles du World Trade Center à New York, le jeune Safir Bghioua s’en prend aux forces de l’ordre de Béziers, assurant vouloir mourir en martyr. Bilan : un mort, deux voitures détruites, et une nuit d’angoisse … . Retour sur un étrange “attentat” tombé dans l’oubli.

Il est environ 23 heures, le 1er septembre 2001, lorsque Béziers se met à trembler au rythme des détonations d’un forcené. Lourdement armé, Safir Bghioua, 25 ans, est l’auteur de tirs nourris dans le quartier de la Devèze, dans l’ouest de la ville. D’après le journal local Midi Libre, qui cite un rapport de police dans son édition du 1er septembre dernier, le jeune homme porte un bandeau blanc sur le front et se définit lui-même comme un « combattant de Dieu ».

Aux premières loges ce soir-là, un ancien policier de la Bac a accepté de se confier à Marianne sous couvert d’anonymat. “À notre arrivée, il y a du monde, les jeunes sont un peu affolés, témoigne-t-il. On descend pour constater les tirs, et d’un coup, des gens se mettent à courir en criant : “il est revenu, il est revenu !”. Il a visé le véhicule de police sérigraphié avec un lance-roquettes, il y a eu une grosse explosion, et j’ai vu la voiture faire un vol plané. J’étais près d’une autre voiture dont les vitres ont explosé à cause du souffle. J’ai vu cette boule de feu, et je me suis retrouvé le cul par terre avec l’impression d’avoir pris un grand coup de barre au niveau de la cage thoracique.

La roquette a fait exploser l’arrière de l’automobile. Sonnée mais pas vraiment blessée, l’équipe comprend vite qu’elle vient d’échapper au pire. Alors que Safir Bghioua réarme son bazooka, un policier riposte. C’est à ce moment-là que le jeune homme aurait crié « Allahou Akbar », avant de prendre la fuite dans un véhicule. “Après ça, c’est le jeu du chat et de la souris. On le cherchait, mais en fait, il nous cherchait aussi”, raconte l’ancien policier.

“Il savait qu’il allait mourir. Dans la nuit, il avait klaxonné sous les fenêtres de sa mère pour lui dire qu’ils ne se reverraient plus.”

Au petit matin pourtant, le 2 septembre 2001, l’histoire prend une tournure dramatique lorsque Safir Bghioua tue Jean Farret, directeur de cabinet du maire, de 12 balles dans le corps. Le septuagénaire avait participé à la traque nocturne, et s’était arrêté à une station-service à bord d’une voiture dotée d’un gyrophare lorsque le forcené l’a pris pour cible.

Quelques instants plus tard, le jeune homme prend rendez-vous avec les forces de l’ordre au Parc des expositions de Béziers pour un affrontement organisé selon ses volontés. C’est ici que Safir Bghioua trouve la mort à la mi-journée. Dans le coffre de sa voiture, les forces de l’ordre saisissent un véritable arsenal de guerre : Kalachnikov, bazooka, explosifs, cartouches … .

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En 2001, Bghioua, jeune de la Devèze, se rêvait en soldat du djihad

Safir Bghioua, 25 ans, détenait un arsenal de guerre. Jean Farret, chef de cabinet du maire, sera la victime de cette nuit là. (D.R.)

13.1.2015 – Le 1er septembre 2001, Safir Bghioua, jeune de la Devèze de 25 ans, partait en guerre à l’arme lourde dans les rues de Béziers. Il fera une victime, Jean Farret.

Un été à l’étranger

Quelques mois avant cette tragique histoire, Safir avait parcouru l’Europe, de l’Allemagne à la Macédoine. Il reviendra marqué de ce voyage. “On avait entendu dire qu’il avait buté un mec là-bas”, racontera l’un de ses copains de cité.

La police supposera que les armes, qui ont servi à cette attaque, provenaient de ces nombreux périples à l’étranger. Ceci dit, rien n’a pu être démontré au cours de l’affaire, Bghioua emportant avec lui les secrets sur les motivations de ses actes.

Le combat d’une nuit

La Devèze, 23 h 30, le 1er  septembre 2001. “Je vais les niquer ! Allahou Akbar !”, clame Safir Bghioua brandissant son arme en tirant et interpellant les habitants du quartier qui appellent la police. Le jeune homme, en embuscade, accueille les forces de l’ordre à coups de lance-roquettes et s’enfuit, peu après, avec son véhicule, à l’aide d’un complice qui était au volant. Cinq heures plus tard, il lancera ce qui s’avérera être son dernier défi. “Envoyez-moi le Raid, je veux finir en beauté !”, dit-il aux policiers du commissariat, convenant d’un rendez-vous avec eux au parc des expositions.

Un peu avant 8 h, le 2 septembre, Jean Farret, au volant de sa voiture, est abattu à l’arme de guerre par Safir dont le but était de “tuer du flic”. Cet ancien légionnaire, âgé de 72 ans, faisait le plein dans une station-service, un gyrophare sur le toit de son véhicule. 10 h 30, les agents du GIPN attendent le jeune Bghioua, qui arrive kalachnikov en bandoulière et lance-roquettes à la main. Il meurt criblé de balles, comme il l’aurait semble-t-il souhaité, en martyr.

“C’est l’acte irrationnel d’un fou meurtrier”, déclare le ministre de l’Intérieur socialiste, Daniel Vaillant. C’était, il y a 13 ans.

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A Béziers, Safir, c’était un guerrier”

5.9.2001 – Dans la cité de La Devèze, les jeunes parlent du forcené tué dimanche, le 2 septembre 2001.

A l’ombre des pins, assis sur les «quatre bancs», l’un des points de rencontre de la cité de La Devèze, ils sont une dizaine. L’un s’en va, un autre rejoint le groupe, sans que personne n’y prête attention. Ils ont entre 15 et 18 ans. Filmés lundi par la télévision, ils pestent contre «les journalistes qui ne veulent pas dire la vérité». Ils disent la leur, l’arrangent sans doute un peu, déjà en train de fabriquer tout à la fois un «héros» et un «mythe». Réécrivent l’histoire de ce samedi où Safir Bghioua, 25 ans, né à La Devèze, a basculé dans la folie meurtrière. N’a plus seulement dit «qu’il voulait tuer des flics», mais l’a fait. Et y a trouvé la mort. Selon eux, cela n’a pas commencé par une «bagarre entre des jeunes de la communauté gitane et musulmane». «C’était une embrouille, entre Djamel ­ le jeune homme recherché par la police qui s’est présenté lundi soir au commissariat ­ et des gitans. Il n’y a pas de guerre entre les gitans et les Arabes. Ici on s’entend bien.»

Saïd a planté le décor, approuvé par les autres. Responsable de la médiation de quartier Jalil El Mansouri, né lui aussi à La Devèze, il confirme: «Les guérillas entre communautés n’existent pas ici.» A La Devèze, vingt nationalités différentes cohabitent. Sur les bancs disposés en cercle, la discussion se poursuit. «Safir était contre la drogue et l’alcool. Il faisait la prière et s’occupait de sa famille. C’était lui, l’homme de la famille.» Les vols de voiture? «C’était quand il était jeune.» Ils racontent encore. Ce soir-là, Safir a déboulé à la nuit tombée à la cité. Enervé. Il revenait de Port Aventura, le parc d’attraction de Taragone en Espagne, où il avait emmené ses petites soeurs. Là-bas, il s’est fait «contrôler comme un chiffon et il a pas aimé». Comme eux n’aiment pas non plus la manière dont les «flics» les traitent. «Ici, ils sont tous racistes. Ils nous provoquent.» «Ils disent qu’ils étaient deux, mais Safir était tout seul. Ça les arrange de croire que c’était un réseau parce que lui tout seul, il leur a foutu le bordel. Ils attendaient que ça, qu’on pète les plombs.»

Blessures. A quelques pas de là, dans son bureau de la Maison Louis Aragon, Jean-Marc Barascut, chargé de mission pour l’animation, la prévention et la médiation sur le secteur Devèze, reconnaît que la «police devrait travailler différemment avec les jeunes, qu’il est temps de mettre en place la police de proximité à Béziers». Avec ses 20 000 habitants et ses 3 500 logements sociaux, La Devèze, construite pour accueillir les rapatriés d’Algérie, a grossi au fil des vagues d’immigration et de l’expansion de la zone industrielle voisine. Elle peut faire la fête autour d’un méchoui, pieds-noirs et musulmans mêlés mais comme ailleurs, recèle des blessures. En quelques années, neuf jeunes se sont suicidés en se jetant des tours. Il y a trois ans, un après-midi, un jeune gitan sorti de prison s’est tiré une balle dans la bouche dans un square. Avec le service psychiatrie de l’hôpital, les services de la Ville ont ouvert une cellule de crise pour les accompagner.

Ce samedi soir donc, Safir Bghioua portait un bandeau blanc, il était bardé d’armes. «Il a pris la bouteille de bière de Karim, l’a jetée par terre, en disant que ça ne servait à rien, qu’on devrait suivre l’exemple des guerriers islamistes. Même nous, il nous a braqués! Il voulait tuer tout le monde!» Quand la voiture de police est arrivée, ils se sont réfugiés dans les cages d’immeuble. «Djamel, il est parti en boîte, à Avignon.» «Pour nous, Safir, c’est un guerrier. Un guerrier tout court. S’il avait été islamiste, il aurait pas été tout seul. Mais s’il y en avait 30 comme Safir, la France pourrait avoir peur. Même nous, on ne sait pas pourquoi il a fait ça.»

Jeu. En se promenant dans les rues du quartier, Jean-Marc Barascut a surpris des «minots en train de jouer à la guerre et mimant Safir». Il espère qu’à l’école, les instituteurs et les éducateurs aborderont le sujet pour faire «un travail de distanciation nécessaire». Comme le font ces derniers jours les quinze médiateurs de quartier bénévoles. Cet automne, Raymond Couderc, maire de Béziers, lancera la première phase d’une opération de renouvellement urbain du quartier.

Un fusil d’assaut, un gilet pare-balles et des munitions ont été retrouvés hier dans le studio de Safir Bghioua.

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Béziers : un rond-point portera bientôt le nom de Jean-Farret, chef de cabinet assassiné en 2001

Jean Farret a été abattu quelques jours avant les attentats du 11-septembre 2001.

Jean Farret a été abattu quelques jours avant les attentats du 11-septembre 2001. (Archives Midi Libre)

27.9.2019 – Jean Farret a été le chef de cabinet de l’ancien maire Raymond Couderc de 1995 au 2 septembre 2001, jour où il a été assassiné par un kamikaze islamiste.

Dans le cadre de l’aménagement de la ZAC de Bastit, les élus ont décidé à l’unanimité, lors du dernier conseil municipal, de donner le nom de Jean-Farret, au rond-point situé à l’intersection des rues Bacchus et Dyonisos.

Kamikaze Islamiste

Jean Farret, ancien officier de la Légion étrangère, a été le chef de cabinet de l’ancien maire Raymond Couderc de 1995 au 2 septembre 2001. C’est ce jour-là qu’il a été assassiné par un kamikaze islamiste à Béziers.

Samedi 1er septembre 2001, à quelques jours des attentats du World Trade Center à New York, un jeune homme habitant de la Devèze, Safir Bghioua, se lançait dans un combat à mort avec la police.

Armes de guerre à la main, il sème la terreur lors d’une nuit qui s’achève dans le sang. Celui de Jean Farret, chef de cabinet du maire. Le terroriste sera abattu quelques heures plus tard pour des agents du GIPN.

Un rond-point porte désormais le nom de Jean Farret

Le rond-point a été inauguré en présence du maire.

8.9.2020 – Ce mercredi 2 septembre 2020, le rond-point situé à l’angle des rues Bacchus et Dionysos (vers le stade Raoul-Barrière) a été inauguré sous le nom Jean-Farret, chef de cabinet de l’ancien maire de Béziers Raymond Couderc de 1995 à 2001.

L’hommage a été rendu à l’homme, assassiné le 2 septembre 2001 à Béziers par un kamikaze islamiste.

Les membres de la famille de Jean Farret ont dévoilé la plaque où est désormais inscrit le nom du rond-point, en compagnie du maire Robert Ménard et de la députée Emmanuelle Ménard.

“Nous inscrivons son nom dans notre cité urbaine, il le fallait 19 ans après, a indiqué le maire, lors de son discours, saluant un homme accompli, militaire de formation, directeur de cabinet, père et grand-père, mort au service des Biterrois. “

Il a également regretté qu’il ait été la cible de “l’islamisme meurtrier”, faisant de lui “la toute première victime en haut de la liste rouge sang”.

“Nous n’oublierons jamais”

Avant d’observer un temps de recueillement, de déposer les gerbes et d’entonner la Marseillaise pour commémorer le 19e anniversaire de la mort de Jean Farret, le premier magistrat a tenu à exprimer sa compassion et son amitié envers sa famille. “Nous n’oublierons jamais que votre père, grand-père, est mort en soldat, en homme courageux, libre, en Biterrois, et surtout au service des autres. Il est mort alors qu’il voulait se rendre utile.”

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Hommage à Jean FARRET – Béziers 14.9.2020

Mesdames, Messieurs,

Merci pour votre présence. Merci à la famille de Jean Farret d’être, comme toujours, parmi nous.

Je vous l’avais promis, c’est fait ! Aujourd’hui, 19 ans après sa mort tragique, nous rendons hommage à Jean Farret en inscrivant son nom dans la géographie urbaine de notre cité. Il le fallait. Parce que la mort de Jean Farret fut le premier, le sombre avertissement de ce qui allait advenir à la France. Parce que Jean Farret est mort alors qu’il était au service des Biterrois, sur le terrain, un jour de chaos pour notre ville.Le scénario de ce funeste 2 septembre 2001 à Béziers contient tous les ingrédients de l’horreur, l’horreur à laquelle nous sommes – malheureusement, j’ose à peine le dire – désormais habitués.

Ce jour-là, c’est un jeune de la Devèze, un jeune « issu » de l’immigration, comme on dit, qui se lance dans une lutte hallucinée contre les forces de l’ordre. C’est déjà un terroriste islamiste, un terroriste qui crie Allah Akbar sur nos places, dans nos rues. Un terroriste qui pointe son arme de guerre sur les policiers, qui déteste ce qu’ils sont, ce que nous sommes.

Des scènes surréalistes sont diffusées à la télévision. Ce 2 septembre, le destin a choisi Béziers pour ouvrir une nouvelle ère, celle de l’islamisme meurtrier, qui fauchera tant de vies quelques jours plus tard à New York.

Cet islamisme de haine, de rejet, peuplé de lames tranchantes, de bombes et de hurlements. Cet islamisme qui a changé notre pays, nos paysages, nos regards. Cet islamisme qui a révélé au grand jour nos faiblesses, nos lâchetés. Cet islamisme qui révélera, aussi, nos héros.Jean Farret, alors âgé de 72 ans, était un homme accompli, militaire de formation, directeur de cabinet de Raymond Couderc, marié, père et grand-père.

Il fut la première victime, la toute première victime en haut, tout en haut de la longue liste rouge sang. Cette liste qui se remplira bientôt du nom des victimes de Charlie Hebdo, du Bataclan et des terrasses parisiennes, de toutes les victimes broyées par le camion blanc de Nice, de toutes les victimes du quotidien, massacrées au couteau dans les rues de nos villes, égorgées comme les jeunes filles de la Gare de Marseille, comme le prêtre Jacques Hamel dans son église, sacrifié comme le colonel Arnaud Beltrame près de Carcassonne.

Vous le savez, en France et en Europe, un long cortège a rejoint Jean Farret, un cortège infini de souffrances, de deuils, de questions : comment en est-on arrivé là, à cette violence, à cette effroyable sauvagerie ?

Je veux redire aujourd’hui toute ma compassion, toute mon affection à la famille de Jean Farret et à ses proches. Vous, ses filles, ses petits-enfants : sachez que nous n’oublions pas que votre père, que votre grand-père est mort en soldat, en homme courageux, en homme libre, en Biterrois. Au service des autres.

Il est mort à la rencontre d’un tueur alors qu’il sillonnait la ville avec la police. Alors qu’il voulait se rendre utile, trouver une solution au drame qui se jouait. Peut-être entamer un dialogue. Éviter que le sang coule. Et c’est le sien qui a coulé…Il était l’un des nôtres. Et les Biterrois sont fiers, toujours fiers de lui.Vive Jean Farret ! Vive la liberté ! Vive la France ! »

Robert Ménard, 2 septembre 2020

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Elle raconte la terrible attaque terroriste à Béziers, juste avant le 11 septembre 2001

 Le premier maillon de la chaîne de violences terroristes

Le premier maillon de la chaîne de violences terroristes (Vincent Damourette)

5.9.2018 – Dix-sept ans après la folie meurtrière de Safir Bghioua, Suzanne Brun raconte la scène de guerre qu’elle a vécue lors de cette soirée du 1er au 2 septembre 2001 qui a coûté la vie à Jean Farret, ancien chef de cabinet de Raymond Couderc. Témoignage.

Suzanne Brun n’oubliera jamais sa soirée du 1er au 2 septembre 2001. À l’époque responsable de l’identité judiciaire (police scientifique) au commissariat de Béziers, aujourd’hui à la retraite, elle fêtait dans l’intimité de son équipe, son affectation pour l’école de police scientifique de Lyon.

“Je fêtais donc mon départ. C’était un samedi soir. Ma voiture était remplie de toutes mes affaires personnelles, mes papiers, mes albums photos… Pour ne pas me la faire casser, je l’avais garée devant le commissariat. La soirée débute dans le bureau. Nous sommes toujours connectés avec la salle de commandement par radio.”

Dix-sept ans après cette nuit biterroise assombrie par la folie meurtrière de Safir Bghioua, les yeux de Suzanne se voilent quand elle raconte ce qui aurait dû être un simple pot de départ festif, une soirée agréable. La lecture qu’elle livre de ce qui, à l’époque, avait été considéré comme l’acte fou et isolé d’un kamikaze islamiste (l’assassinat de Jean Farret), a évolué avec l’enchaînement des attentats terroristes.

“Béziers a été le premier maillon de la chaîne de violences terroristes qui a frappé le monde.” Suzanne Brun continue son récit. “Vers 22 h, on entend à la radio qu’il y avait des incidents à La Devèze entre diverses communautés. Une patrouille s’est d’abord rendue sur les lieux. Et, quelques instants après l’arrivée des quatre policiers, nous avons entendu une grande déflagration, la voix du responsable de la salle de commande qui demandait à la patrouille ce qu’il se passait, puis plus rien ! Aucune réponse. Soudain, une voix inconnue qui nous insulte et nous menace de mort “Je vais tous vous buter, sales flics”. Nous étions tous interloqués, stupéfaits, nous nous demandions surtout pourquoi un étranger au service pouvait répondre avec la radio de bord de la voiture de patrouille.”

Le pot de départ n’était plus qu’un simple malheureux souvenir. “La salle d’intervention envoie sur place deux fonctionnaires. Et là, nous entendons des échanges de coups de feu. Je reste un certain temps pour prendre congé de mon équipe. Il me faut partir. Je ne suis plus en poste. Ça sent le roussi, je veux rentrer chez moi. Je descends accompagnée d’un collègue qui me suit.”

Une scène de guerre

“Quand je suis à l’entrée du commissariat, à trois mètres de ma voiture, je vois dans la nuit une boule de feu arriver dans ma direction. Je me baisse. Par chance, une chance terrible, cette boule atteint ma voiture et la fait exploser. Une scène de guerre. Je suis tétanisée. Ma vie était dans mon véhicule. Et, de l’autre côté de la rue, face à moi, un individu lourdement armé, ceinturé du bandeau blanc des martyrs d’Allah, qui hurlait “Allah Akbar”.”

“Le collègue qui me suivait et un ami ont assisté à la scène. On s’est vite rapatriés dans le commissariat. On a fermé les grilles ! Une première pour nous.” On découvrira, durant l’enquête, que Safir Bghioua avait des accointances avec Zacarias Moussaoui, le seul interpellé dans les attentats de New York.

Les honneurs pour Jean Farret

“Fidélité, respect, combat.” Trois mots livrés pour clore le discours chargé d’émotion de Robert Ménard, ce lundi 3 septembre, pour le 17e anniversaire de la mort de Jean Farret, à la stèle du souvenir, sur l’avenue Rhin-et-Danube.

Élus, famille et proches de Jean Farret, corps constitués … Ils avaient tous répondu à l’appel de la municipalité pour rendre hommage à l’ancien chef de cabinet de Raymond Couderc, assassiné  à la station service de l’avenue Rhinet-Danube en 2001, le 2 septembre, au petit matin.

Un Biterrois, du quartier de La Devèze, avait semé la panique en ville, lourdement armé. Durant sa course suicidaire, il avait ôté la vie à Jean Farret qui faisait le plein à la station service. Son gyrophare l’avait trahi. C’est cette page sombre de l’histoire biterroise qui surgissait dans les coeurs ce lundi.

Pour Robert Ménard, Jean Farret “fut le premier. Bien avant le colonel Beltrame, bien avant Nice, le Bataclan, le père Hamel ou Charlie. Avant même les tours jumelles … “

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Source :

https://www.marianne.net – Prisca Borrel 12.9.2021

https://www.midilibre.fr – Jean-Pierre Amarger 31.8.2021 – 27.9.2019 / D.R. 13.1.2015 / 8.9.2020 / Antonia Jimenez 5.9.2018

https://www.liberation.fr – Catherine Bernard 5.9.2001