Pomarèdes, le trou

Son nom a resurgi en 1978. Cette année-là, un certain Robert Ménard, qui n’était pas encore le créateur de “Reporter Sans Frontière” et encore moins maire de Béziers, baptisa sa radio (interdite à l’époque comme toutes les radios libres) Radio Pomarèdes. L’émetteur fut saisi le 2 février 1979 et Robert Ménard jugé l’année suivante pour atteinte au monopole. Lors de ce procès, François Mitterrand, qui devait être élu président de la République un an plus tard, se présenta à la barre comme témoin de moralité.

Qui ne connaît pas le’’trou de Pomarèdes’’ à Béziers Est. C’est un monticule où ne poussent que des pins, situé près de Décathlon, route de Bessan. De ce mamelon, part une galerie sous terre d’ 1m20 de large qui débouche 500 m plus loin près de la chapelle de la Badone (édifice construit au 16ème siècle lors de la guerre des religions entre les catholiques et les protestants). Ne cherchez pas son ouverture, elle est bouchée par des éboulis.

A quoi devait servir ce tunnel !

Jean Pomarèdes est né à Caux le 6 ou le 7 avril 1801 au numéro 11 de la rue de l’évêché d’une famille connue et sans histoire. Il était l’unique fils d’un couple de cultivateurs aisés. Il avait tous les atouts pour réussir son existence. Mais il était un gamin très dissipé, agressif qui brutalisait son entourage. En 1825, son père meurt et à 24 ans, il hérite de la majorité des biens familiaux d’une valeur de 10.000 francs. Une petite propriété faite de maisons, de vignes, de champs et d’oliviers. En 1830, il épouse Jeanne Rouyre de Fontès. (Signalons au passage que rouyre vient du patois « rouvre » qui signifie chêne vert)  Voilà donc d’où proviennent les divers noms du Midi.

Avec son beau frère Félix Rouyre, il fait des affaires d’abord dans la spéculation en achetant un important stock d’eau de vie de vin. Tout l’argent hérité passe dans cette affaire d’alcool. Le 3×6 est la résultante de 3 parties (96° sortie de l’alambic – dédoublé 45° – dédoublé 15°). Manque de flair et par malchance, l’arrivée de l’alcool de betteraves du Nord, qui s’achète 3 fois moins cher, lui fait perdre tout le montant de ses investissements. Il est rapidement mis en difficulté financière.

Sans argent, les deux compères se recyclent dans l’achat d’un joli domaine, celui de Lussau, entre  Maureilhan et Puisserguier  (38500 F or) pensant doubler le prix d’achat lors de sa revente. Conjoncture défavorable, le crédit du Crédit Foncier courant, la situation devint délicate. Ce n’est cependant pas la ruine car Pomarèdes possède encore sa propriété  de Caux qui lui rapporte un peu. De  plus, la piquette (la boisson des pauvres) qu’il produit lui rapporte un peu.

Il a toujours soif d’argent et il commence ses larcins.

Un soir, son berger de Lussau vient le voir pour lui réclamer son salaire. Il le reçoit alité, grippé et lui donne son argent. Sur le chemin du retour, le berger  menacé par un homme masqué à cheval donne son maigre salaire de 35F au brigand. Il lui semble toutefois avoir reconnu la voix de son patron.  Pour s’en persuader, il retourne à Caux  pour raconter son histoire et trouve Pomarèdes au coin du feu. Bien qu’étant l’assaillant, il se dédouane : “Tu vois  bien que j’ai de la fièvre et  que je ne peux sortir par ce froid là ! Tu aurais du faire plus attention à ton argent !”

Le riche vole un pauvre. Son employé de surcroît dénotait déjà son caractère de crapule.

Puis, lors de la messe de Noël où il assistait, sa maison se mit à brûler. Peu de temps auparavant, il avait souscrit une forte assurance. Sentant l’escroquerie, l’assureur ne lui versa qu’un petit dédommagement. L’engrenage infernal va faire basculer ce larron de travailleur le jour, il deviendra braqueur la nuit. Il mit en place une stratégie pour commettre ses méfaits. D’une part, il les réalisa que de nuit sans lune et d’autre part, il mit en place 2 chevaux. Un qu’il montait et l’autre qui l’attendait à 2 km du lieu du larcin. Il va ainsi détrousser des commerçants qui revenaient de la foire ou du marché de Béziers.

Première agression connue eut lieu le 15 décembre 1837 sur la route de Capestang par l’attaque de deux marchands de bestiaux. Le 18 avril 1839, sur la route de Paulhan, il attaqua une diligence. Butin 1000 FR or. Le 11 janvier 1840, il braque M. Basset et lui dérobe 3000Fr or (10 ans de salaire d’un ouvrier de l’époque). Puis c’est le percepteur des impôts et M. Méandreux, porteurs de 2 sacs de louis d’or. Cette année là il commettra 2 assassinats (M. Garrigue et Yves Godard). Il multiplie ainsi ses agressions avec un pistolet,  mais lors d’une attaque Mr. Boularand, qui le connaissait bien, semble le reconnaître comme étant son agresseur, mais Pomarèdes est si prompt à disparaître qu’il ne peut le rattraper.

Son forfait accompli, le voleur laissa rentrer son cheval seul à l’écurie  et s’engouffra dans le fameux ‘’trou’’, près de Décathlon, Chemin de Montimas. Par le souterrain, il rejoignit la chapelle de la Badone à 500 m de l’entrée. Il  enfourcha son  deuxième cheval qui l’attendait et rentra chez lui. Mais en chemin, se sentant suivi par plusieurs témoins de la scène, il décida d’enfouir son butin dans un champ de seigle. Sans le savoir, un enfant l’observait. Cet enfant va donner l’alerte et Pomarèdes intercepté est conduit encadré par trois gendarmes à la prison de Béziers.

Le procès s’ouvrit le 25 Novembre 1842 et dura 13 jours en présence de 250 plaignants. Il a été accusé de vols, d’incendie, d’escroquerie à l’assurance, d’assassinats et bien d’autres motifs.

La « canaille de Caux », comme on l’appelait, fut condamnée à mort par décapitation. En ces temps là, on ne badinait pas ! Son beau frère fut acquitté par indulgence. C’est plus doux !

On fit venir la guillotine de Perpignan à Pézenas  à quatre heures du matin, le 18 novembre 1843, il se confessa et revêtit l’habit des condamnés (habit rayé et bonnet blanc). Il monta dans la charrette. L’aumônier Cellier l’accompagna avec un gendarme. Arrivé sur la “Planol Saint-Jean” (l’actuelle place du 14 Juillet), 50.000 personnes le conspuèrent par leurs huées.

La guillotine avait été montée sur la place, l’escalier de l’échafaud tourné vers l’hôtel des trois-six (face à la poste actuelle). A 10h30, il monta les marches. Il enleva son gilet et le bourreau venu de Perpignan découpa le col de sa chemise. Pomarèdes demanda une tasse de café qu’il  avala, puis avec sa cuillère ramassa le restant de sucre. Il demanda pardon à Jeanne sa  femme puis embrassa l’aumônier.

A 11h15, sa tête tomba sous le couperet (acte de déces). Le corps fut enseveli par les frères pèlerins de Pézénas, dans une fosse ouverte sur le seuil de la porte du cimetière. Au dessous de lui reposait déjà un guillotiné, nommé Hilaire, exécuté en 1815 et, par la suite, on y enterra aussi une demoiselle Rigal, dite “la Sainte”.

Les journaux de l’époque en firent leurs gros titres et tout ce qui concernait Pomarèdes : croquis, chansons et récits, se vendait comme du petit pain.

Ultime punition pour cette canaille, le curé refusa de l’enterrer dans le cimetière. Son corps fut enseveli dans une fosse creusée devant l’entrée du cimetière de Pézenas,  pour que les passants foulent l’emplacement où il repose dans un piétinement d’humiliation perpétuelle.

 Ainsi se termine l’histoire réelle de Jean Pomarèdes et vous remarquerez que les légendes qui circulent dans la région et même parfois sur le Web sont bien loin de la réalité !

Enfin, pour ceux qui s’interrogent sur le fameux “trou de Pomarèdes”, que l’on trouve à la sortie de Béziers sur l’ancienne route de Bessan, je suis au regret de vous informer qu’il n’a rien à voir avec Jean Pomarèdes. Il ne s’agit que de la conséquence de cette histoire – devenue légende – et qui engendra des dizaines de “trous de Pomarèdes” supposés abriter des trésors, dans notre région, après l’exécution de ce célèbre bandit.

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Source :

http://jc34.eklablog.com

http://www.sunnyfrance.net