Adresse : 5, Rue du 4 Septembre – 34500 Béziers

Historique
Le premier couvent des Cordeliers s’installa à Béziers, hors les murs, probablement au XIIIe siècle. Lors de l’invasion du Prince Noir, en 1355, ce couvent fut ruiné. Rebâti et réparé, il fut démoli à nouveau en 1420-1421 lors d’un épisode de guerre civile. Le calme rétabli, les anciens couvents détruits furent rétablis, pour la plupart, à l’intérieur de la ville. Le couvent des Cordeliers fut reconstruit en 1423.

Les nouveaux bâtiments ne semblent pas avoir souffert des troubles religionnaires du XVIe siècle. Un arrêt de 1608 cède le couvent aux Récollets qui en bénéficient jusqu’à la Révolution. A cette époque, l’ensemble est vendu comme bien de première origine et morcelé. Les acquéreurs démolirent ou réaménagèrent l’ensemble des bâtiments conventuels et la partie orientale de l’église.
En 1839, le curé de la Madeleine racheta la partie encore existante de l’église et la rendit au culte. C’est cette moitié d’église, connue sous le nom de chapelle des Pénitents Bleus, qui subsiste encore, avec son porche flamboyant et son clocher. L’entrée se trouve au sud. Deux portes géminées s’ouvrent sous des arcs très surbaissés. Les piédroits et le trumeau sont garnis de trois niches privées de leurs statues. Ces niches sont supportées par des personnages. Une quatrième niche surmonte le portail, au tympan, dans l’axe du trumeau. Le tout est abrité sous une voussure en arc brisé et surmontée d’un gâble avec grand fleuron terminal et crochets à feuillages très découpés.
De hauts pinacles encadrent l’entrée et s’élèvent jusqu’au niveau du fleuron central. La façade occidentale est occupée par une rosace constituée d’un quatre-feuilles central d’où partent douze rayons divergents qui se relient au pourtour par des polylobes. La tour-clocher s’articule en oblique sur le mur de fond. Elle semble antérieure au reste de la construction. A l’est du clocher est accolée une tourelle d’escalier carrée à la base, octogonale à la partie supérieure. Peintures murales du chevet : 1er quart XIXe siècle.
La chapelle, une construction gothique dotée d’une très belle porte de style flamboyant, rare en Languedoc. Le choeur et plusieurs travées furent détruits au XIXè siècle, en même temps que les remparts auxquels la chapelle était adossée. Son porche du XVe siècle donne dans la rue commerçante du centre ancien, perpendiculaire aux Allées Paul Riquet.




Dès que l’on entre dans l’édifice, on est frappé par l’importance des peintures : derrière l’autel, sur un mur qui ferme la nef depuis la démolition du choeur, un impressionnant décor en trompe-l’oeil a été peint au XIXème siècle, représentant la mort de Saint Jérôme et, en second plan, la cathédrale Saint-Nazaire. Sur la gauche, une représentation pittoresque de la barque des Saintes-Maries-de-la-Mer et de sainte Sara. Les traces de peinture sur les murs de la nef datent,elles, du XVIIème siècle.
Avant de sortir, observez sur le mur du fond l’immense maquette d’un navire de guerre du XVIIe siècle, qui patrouillait le long de la côte méditerranéenne, entre Sète et Narbonne, pour protéger les navires de commerce contre les “pirates barbaresques”.

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Les Pénitents Bleus
Il ne faut pas médire des confréries. Elles ont eu une très grande importance sociale et politique. Que voyons nous dans la société si ce n’est un antagonisme de forces des éléments qui naturellement s’entrechoquent et se combattent. Les confréries prêchaient la paix et propageaient l’esprit de concorde et d’union et créaient entre les membres une espèce de solidarité. Toutes les classes étaient confondues bourgeois artisans laboureurs. Tous s’appelaient frères et le pauvre pouvait recevoir sans rougir l’assistance du riche.
Le lien religieux rendait plus grande la cohésion de tous les membres. C’est là qu’il faut chercher les associations véritablement démocratiques. Nous avons retrouvé les traces de six de ces anciennes confréries d’hommes: “Pénitents Minimes, Pénitents de la Miséricorde, Pénitents Bleus, Pénitents Noirs, Pénitents Gris et Pénitents Blancs”. Elles dataient à ce qu’il paraît du XVIe siècle. C’est sous le règne de Henri III qu’elles se multiplièrent en France.
Les Pénitents Bleus, dont Saint-Jérôme et Saint-Régis (1) étaient les patrons, se réunirent d’abord dans une dépendance du cloître de l’église Sainte-Madeleine. On les désignait sous le nom de Pénitents de Saint-Jérôme et du titre du Saint-Esprit. Comme leur nombre avait augmenté, ce local se trouva trop petit et fort incommode pour les usages de la congrégation. Un quartier du couvent des Carmes se trouvait inoccupé et menaçait même ruine. La compagnie des Pénitents offrit d’en faire l’acquisition pour y construire la chapelle.
Les religieux convoqués par le prieur consentirent à l’aliénation de ce quartier de maison avec d’autant plus d’empressement qu’on le louait à un bas prix à des boulangers qui y déposaient le bois de chauffage de leur four et qu’on était même obligé de le louer à des hugue nots. La vente fut faite moyennant la somme de quatre cents écus ou douze cents livres. Voici à quelle condition :
“La dite somme demeurera au pouuoir des sieurs Pénitents sans quelle puisse être retirée de leurs mains sous quelque pretexte que ce soit à la charge et condition qu’ils seront tenus chacune année faire pention audict couvent ou religieux de la somme de trente trois escuz ung tiers faisant cent liures payables par leur tresorier es mains du prieur dudit couuent soubz bon mandement et quictance du prieur et religieux d icelluy la seconde semaine de caresme pour veu que ne soict en tempz de peste ou aultre temps de guerre a defaut de ce paiement il seroit permis au prieur dud couuent et aux religieux d interdire l entrée de la cha pelle construite en ladite maison et que si par la calamité dud tempz lesd confreres penitents fussent contraintz de vuider la ville en ce cas le paiement sera sursis jusques à la remise du peuple et alors un moys aprez tout dellay seront tenus paier la pantion courante et audit cas ou autrement en leur reffus de paier sera permis au prieur et religieulx desd Carmes leur interdire l entrée de lad cha pelle Pacte qu il sera permis et loisible auxd penitents de pouuoir estaindre lad pantion en baillant lad somme de quatre cens escus es mains dun marchant sur et respon sable ou en la mettant sur le diocese ou communaulté de la presente ville a la charge que ceulx qui la recevront sobli geront de faire mesme pantion de cens liures(2).”
Lorsqu’à la grande Révolution le citoyen Etienne Jullien, négociant, devint adjudicataire au prix de quarante mille quatre cents francs de l’immeuble ayant appartenu aux Carmes, il voulait avec ses co-associés priver les Pénitents Bleus des droits et facultés dont ils jouissaient depuis un temps immémorial en vertu des titres les plus authentiques.
Il demanda que les Pénitents lui délaissassent la grande porte d’entrée de leur chapelle pour la construction de laquelle les Carmes leur avaient cédé une canne de terrain(3), la porte qui introduisait dans la sacristie et le corridor par lequel on se rendait à la tribune; qu’il bâtis sent à pierre à chaux et à sable la porte de communication de la chapelle avec le cloître des Carmes. De telles prétentions étaient sans fondement et le droit resta aux Pénitents. Leur titre de propriété résultait de l’acte de vente consenti par les Carmes le 5 novembre 1596 par lequel ils étaient soumis à recevoir dans un petit membre du bas joignant le clocher le pain de la charité qui se distribuait le jour de l’Ascension.
Le local concédé était en très mauvais état et à charge même aux Carmes. Les Pénitents, pour construire leur chapelle, avaient dù, à leurs frais, changer tous les arcs du cloître, refaire la porte principale du couvent. Comme l’acte de vente leur laissait le droit d’entrer par la porte principale du couvent et de traverser le cloître, c’était pour pénétrer du corridor du cloître dans leur appariement qu’ils avaient dû pratiquer la porte et le passage aboutissant à leur sacristie
Les Pénitents Bleus célébraient les Fêtes de Saint-Régis et de Saint-Jérôme et faisaient une procession les jours de la Fête Dieu, le jeudi de l’Octave, le dimanche de la Passion, le Jeudi-Saint et aux fêtes de Saint-Jérôme et de Saint-Régis. Pour le service de leur chapelle ils ne pouvaient prendre d’autres prêtres ni religieux que les Pères Carmes.
Au début du siècle, une partie de l’église des Récollets fut concédée à une nouvelle confrérie de Pénitents Bleus dont elle a gardé le nom. Le grand tableau de Saint-François de Sales prêchant devant Henri IV, entouré des députés de Genève, provient de l’Hôpital Mage. C’est de 1818 que date la frégate suspendue à la voûte et due au couteau du confrère Jourdan tonnelier.
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- (1) Saint Régis avait été Pénitent Bleu Les Pénitents Bleus de Béziers étaient affiliés aux Pénitents Bleus de Narbonne.
- (2) Acte du 5 novembre 1596 reçu par Me Jean Laur notaire royal huit feuilles en parchemin.
- (3) Acte du 6 septembre 1597 reçu par Me Andoque notaire.
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Source :
https://www.guide-tourisme-france.com
Livre: Avant 1789, notices sur les anciens couvents d’hommes et des femmes – état monastique de Béziers.