Barrière Raoul

D’abord professeur d’éducation physique au lycée Henri IV de Béziers, Raoul Barrière assume avec brio le poste de pilier à l’A.S Béziers de 1954 à 1963. Celui qui va devenir un des entraineurs mythiques du rugby français remporte en tant que joueur le premier titre de champion de France de son club en 1961. 

Sa carrière de joueur s’achève en 1964 et il devient entraîneur en 1968. Et c’est dans les années 70 qu’il se forge l’un des plus beaux palmarès de l’hexagone : il porte son équipe au plus haut niveau. Champion de france à 6 reprises : en 1971, 1972, 1974, 1975, 1977, 1978.

En 1971, il obtient le Prix Pierre-Paul Heckly de l’Académie des sports, pour ses résultats comme entraîneur de l’AS Béziers.

En 2006, Raoul Barrière est fait Chevalier de la Légion d’honneur.

Il est décedé le 8 mars 2019 à Béziers, à l’âge de 91 ans.

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Béziers : Raoul Barrière, légende du rugby, a rejoint le Panthéon biterrois

Raoul Barrière est décédé vendredi, à l’âge de 91 ans (Pierre Saliba)

8.3.2019 – L’entraîneur du “grand Béziers” est décédé vendredi à l’âge de 91 ans.

Les Biterrois ont appris vendredi midi le décès, à 91 ans, d’une figure de leur ville. Une légende même. Car si les plus jeunes ne l’ont pas vraiment connu, tous ont au moins entendu parler de lui. Il est le coach du fameux “grand Béziers”.

Cette équipe de rugby qui écrasait tout sur son passage et qui a sa place dans le Panthéon biterrois, à côté, sans doute, de Paul Riquet et de Jean Moulin. Et si cette l’ASB est régulièrement qualifiée d’”équipe du siècle”, c’est qu’elle avait à sa tête un homme qui a révolutionné le rugby. Raoul Barrière a été, dans les années 1970, l’entraîneur de ce club qui écrasait tout sur son passage. Un résultat qui est le fruit de la science du jeu qu’avait cet homme, amoureux du rugby depuis toujours.

“Raoul était un joueur très mobile. C’était un peu le deuxième capitaine après Pierre Danos.”

Professeur de sport à une époque où jouer avec un ballon ovale n’était pas un métier, il y a pourtant consacré sa vie. Avant son entrée à la maison de retraite de la Méridienne, il y a quelques mois, il fréquentait encore régulièrement les travées du stade de La Méditerranée et s’amusait à commenter les matches à ses voisins de la tribune d’honneur.Publicité

Avant d’entraîner, Raoul Barrière a d’abord été joueur.Un pilier de qualité. À Aurillac, pendant deux saisons dans les années 1950, puis à Béziers, au moment des premiers exploits. De 1954 à 1963, il a poussé en mêlée aux côtés d’Émile Bolzan, talonneur. “Raoul était un joueur très mobile, se souvient-il. C’était un peu le deuxième capitaine après Pierre Danos. Il faisait partie des joueurs qui avaient une certaine maîtrise sur l’adversaire. Cela lui permettait de changer le jeu à tout moment.”

EN 1961, Raoul Barrière alors joueur gagne le titre de champion de France.
EN 1961, Raoul Barrière alors joueur gagne le titre de champion de France. 
Photo extraite du livre des 100 ans de l’ASBH

La tournée en Afrique du Sud qui a tout changé

Une qualité de jeu qui lui a permis d’être champion de France, en 1961, mais aussi de devenir international. Et même s’il n’a décroché qu’une sélection officielle, en 1960, contre la Roumanie, il a également participé, en 1958 à une tournée historique, en Afrique du Sud. C’était alors la première fois qu’une équipe de France de rugby se rendait dans une nation du Commonwealth de l’hémisphère Sud.

S’il ne participe pas aux deux test-matches contre les Springboks, il s’imposera dans quatre matches amicaux, qui ne comptent pas comme de vraies sélections, contre des provinces locales. C’est depuis les tribunes qu’il assiste aux belles performances des Bleus contre les Sud-Africains. Et qu’il commence à forger sa vision d’entraîneur.

Il forme les juniors qui deviennent “l’équipe du siècle”

Surpris par la puissance physique des Boks, il comprend, avant tout le monde, que le jeu d’avant peut rendre une équipe imbattable. “Il avait été impressionné par la qualité physique de ces joueurs, se souvient Lucien Rogé, ailier de l’ASBH dans ces années-là, qui était aussi de la tournée dans l’hémisphère Sud. C’est là qu’il s’est forgé son jeu. Il a étudié toutes les qualités physiques et mentales de ces joueurs.”

En quelques années il a transformé une équipe de juniors en l’équipe du siècle. 

Et mis en place, donc, la tactique qui a propulsé Béziers vers les sommets. D’abord avec les juniors, quand en 1968, il est devenu champion de France. Il dessine alors l’ossature de “l’équipe du siècle”. Il choisit et forme les joueurs qui, de 71 à 78, ont tout écrasé, ou presque (titrés six fois), sur leur passage. “Raoul était à l’avant-garde du rugby, se souvient Michel Fabre, arrivé dans l’équipe en 1975. C’était un précurseur qui était sans cesse en train de rechercher des choses nouvelles à l’entraînement. Il n’était pas facile, mais c’était pareil avec tout le monde. Il ne nous cajolait pas, il était dur.”

Il est le coach des grandes heures de Béziers.
Raoul Barrière, le coach des grandes heures de Béziers.
Photo extraite du livre des 100 ans de l’ASBH

Dans les tribunes jusqu’à la fin

Très exigeant, mais aussi très attentionné avec ses hommes. La recette de la victoire pour un club qui était à son apogée. En 1978, après la victoire contre l’AS Montferrand en finale du championnat de France, il se brouille avec ses dirigeants et quitte le club. Mais, Biterrois dans l’âme, et malgré un passage chez l’ennemi narbonnais (lire ci-dessous), il continuera à fréquenter, après sa retraite, assidûment les tribunes de Sauclières, puis du stade de La Méditerranée. Cette même enceinte où, le 24 mars prochain, contre Biarritz, un hommage à la hauteur de sa légende devrait lui être rendu.

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8.3.2019 – D’ordinaire, on évalue la trace que laisse un homme dans l’histoire d’une activité aux lignes de son palmarès, à sa bibliographie, à ses décorations, à ses récompenses, à ses titres. L’héritage de Raoul Barrière se mesure, lui, à l’émotion que sa disparition, à 91 ans, a suscité. J’ai entendu, au téléphone, les silences embués de Richard Astre marchant dans la campagne espagnole, j’ai perçu les larmes couler sur les joues de Claude Saurel impossibles à sécher au vent, la retenue submergée d’Alain Paco derrière son flux de souvenirs. Ce que l’AS Béziers compte d’anciens joueurs passés sous la coupe du sorcier de Sauclières est touché par cette disparition.

Ce fut un privilège de rencontrer ce professeur d’éducation physique il y a un peu plus de deux ans, chez lui, à une portée de drop du stade de la Méditerranée, dans le corps de ferme qu’il avait aménagé pour sa famille. Un de ses petits-fils jouait avec un ballon de rugby dans la cour. Invité à déjeuner, je notais encore ses affirmations éclairantes entre deux bouchées, même après deux heures d’interview. Comme d’autres grands entraîneurs, cette boule d’énergie ne vivait que pour et par le rugby, celui des Springboks, des All Blacks, de Béziers, du pays catalan où se trouvent ses racines.

Avant de débuter dans ce métier en 1984, j’avais déjà une attirance pour l’Histoire du rugby telle que relatée par Henri Garcia, Denis Lalanne et Georges Pastre. Je n’imaginais pas que connaître par cœur l’aventure du XV de France de 1958 en Afrique du Sud allait un jour m’ouvrir une porte qui donne sur le salon de Raoul Barrière, immense pièce sombre constellée de souvenirs ovales et m’offrir l’occasion de m’assoir en face de ce géant, petit de taille, immense de connaissances. Et, alors qu’un rai de soleil passait par une étroite fenêtre, le regarder me parler.

Il était coriace. Parfois, il te blessait d’un mot. Parce qu’il sentait que tu t’étais laissé aller, que tu n’étais pas là où tu devais être. Mais c’était pour ton bien,” m’avoue aujourd’hui Alain Paco, moi qui n’ai connu que le miel de cet homme, c’est-à-dire son immense bienveillance à l’hiver de sa vie, son humanisme profond et authentique. “Son exigence était telle que si tu relâchais un ballon à la fin de l’entraînement, qui pouvait durer plus de deux heures, tu allais immédiatement te taper des séries de huit cents mètres…” poursuit l’ancien talonneur international, qui débuta ouvreur face à Neath pour l’inauguration du Parc des Princes.

Même si à n’en pas douter Raoul Barrière fut “une belle personne“, dit l’ancien flanker Claude Saurel qui entraîna à son tour Béziers, on ne construit pas une équipe comme l’ASB des années 70 avec des pétales de rose mais plutôt en habituant les joueurs à ne pas souffrir des épines. “Pendant deux mois, préparer la phase finale était un pèlerinage, raconte Saurel, devenu coach de la Géorgie et de la Russie. Tout le monde arrêtait de fumer, y compris Jack Cantoni. Personne ne sortait le soir, même Armand Vaquerin. Tous les jours, avant l’entraînement, on effectuait un footing de dix bornes le long du canal du Midi…

A quelques heures d’Irlande-France, on mesure l’ascèse biterroise. Raoul Barrière détestait voir ses joueurs sous des barres du musculation. Il préférait leur faire travailler la tonicité et l’explosivité “au poids du corps“, dit Saurel, c’est-à-dire tractions, pompes et abdominaux au naturel. On lui doit aussi “l’hydratation permanente, les passes assurées les yeux bandés, les élastiques tendus en travers du terrain pour imposer les positions basses… On travaillait le plaquage avec des sacs de quatre-vingt kilos de sable attachés à un portique et lancés dans tous les angles, la puissance en passant entre des pneus de tracteur…”

Dans le rugby d’immédiat après-guerre, les entraîneurs de renom ne manquaient pas : Julien Saby, Robert Poulain, Henri Laffont. Mais Barrière a renouvelé le genre. Son approche tactique est ainsi résumée par Claude Saurel : “Comment faire pour capter quinze défenseurs dans un espace limité d’une ligne de touche à une autre ? Aller droit, multiplier les fixations, être capable de passer le ballon dans toutes les positions possibles.

Fin octobre 2016, à la question, “Comment définiriez-vous le combat, en rugby ?” ce pédagogue me répondit :”C’est une opposition au corps. Il est dans l’arrêt physique de l’adversaire porteur du ballon. Il faut ensuite le faire reculer puis le mettre au sol et lui enlever l’envie de tromper notre défense… Attendu que le combat peut être douloureux, tous les entraînements, y compris parfois le matin du match, étaient avec opposition réelle, c’est-à-dire avec plaquage autorisé. Quelques fois, les joueurs s’invectivaient, mais je m’en foutais…

Alain Paco se souvient : “Ah, ça, on préférait le match parce que les entraînements étaient deux fois plus éprouvants…” Claude Saurel ajoute : “Le vendredi soir, c’était l’opposition systématique avec la Nationale B. Qu’est ce qu’on se mettait… Combien de fois j’ai dû me battre… Mais le dimanche, nous étions mieux préparés que nos adversaires au combat. En fait, Raoul nous apprenait à gagner. C’est allé parfois très loin, mais quand les gars d’en face étaient carbonisés, nous on aurait pu disputer un deuxième match à la suite…

N’allez pas croire un instant que cette violence canalisée était une marque de fabrique : elle séparait les hommes des enfants, comme le vent au golf. “Tout était millimétré, me précisa Raoul Barrière. J’expliquais à chaque joueur le pourquoi du comment des positions. Une fois que nous avions rectifié un mauvais placement, il ne fallait pas que le fautif recommence sinon il prenait un “savon”. Personne ne déconnait à l’entraînement. C’était banni.”

Raoul Barrière était aussi, comme tous les bons techniciens, connaisseur du règlement. Pour une raison simple : “La règle permet différentes interprétations, et ce qui me gêne, c’est qu’elle n’est pas appliquée comme elle est écrite…” Là aussi le sorcier de Sauclières s’engouffra dans les intervalles, posant à l’arbitre comme à l’adversaire des problèmes difficilement solubles dans l’instant.

Cette rigueur se trouve chez les All Blacks et les Irlandais, que les Tricolores vont affronter dimanche après-midi. Pas étonnant que ces deux équipes soient en ce moment au sommet du monde et se partagent un hémisphère. Au sein du XV du Trèfle, tout est millimétré, précisé, rodé, et s’enchaîne comme écrit sur une partition. Ce jeu est inexorable. Comme était irrespirable le rouleau-compresseur biterrois.

A l’instar de Jean-Pierre Rives, sûr que Raoul Barrière, cet intranquille qui jouait à l’aspadragade quand il était enfant, a de l’Irlandais en lui. Il en avait le faciès, du moins, sorti d’un film de John Ford. Ah, vous ne connaissez pas Raoul ! Pourquoi avez-vous choisi le rugby, lui ai-je demandé à l’heure du café ? “Parce qu’il y avait des coups de tronche à recevoir et à donner“, m’a-t-il répondu. Avant d’ajouter, en riant : “On est con, hein ?” Non, monsieur Barrière, pas seulement cons ; nous sommes tristes, surtout. 

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Mardi 17 septembre 2019, en fin d’après-midi, le stade de rugby à XV de la Méditerranée à Béziers (Hérault) a été officiellement baptisé Stade Raoul Barrière. Ceci en hommage à celui qui a conduit le club héraultais au plus haut de son histoire. La cérémonie s’est déroulée en présence des membres de sa famille, des dirigeants du club, de plusieurs anciens joueurs et de Robert Ménard, maire de Béziers.

Une plaque commémorative

Une plaque commémorative a été installée dans les salons et un portrait de l’entraîneur mythique surplombe le parvis du stade. Décédé en mars dernier, Raoul Barrière, dit « Le Sorcier de Sauclières » a d’abord été joueur avant de devenir entraîneur. Il a notamment occupé le poste de pilier de l’AS Béziers de 1954 à 1963.

Il devient entraîneur de l’AS Béziers en 1968 et le restera pendant 10 ans jusqu’en 1978. Il conduira plusieurs fois les Biterrois jusqu’au titre de champion de France (1971, 1972, 1974, 1975, 1977, 1978) et de vainqueur du Challenge Yves du Manoir (1972, 1975, 1977).

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Source :

https://www.midilibre.fr – Guilhem Richaud 8.3.2019

https://coteouvert.blogspot.com – LE BLOG RUGBY DE RICHARD ESCOT 8.3.2019

https://france3-regions.francetvinfo.fr – Isabelle Bris 12.3.2019

https://actu.fr – 18.9.2019