Le 18 décembre 2019, Franck Riester, ministre de la Culture, a décidé sur proposition du “Conseil national des Villes et Pays d’art et d’histoire”, réuni le 4 décembre 2019, d’attribuer le label “Ville d’art et d’histoire” à Béziers.
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Béziers à la fin du xixe et au début du xxe siècle
Un véritable vivier d’artistes
1. La fin du 19ième siècle et les premières années du 20ième siècle ont été pour Béziers une période d’intense activité artistique et toutes les formes d’art ont bénéficié de ce élan : la musique avec les concerts organisés par la Chambre musicale, les spectacles lyriques présentés dans les arènes par le mécène Castelbon de Beauxhostes, l’architecture avec la construction d’hôtel particuliers dans la ville et des fameux “châteaux du vin” dans les environs, l’art des jardins avec les frères Bühler et enfin les arts dits plastiques, la sculpture, la peinture et les arts décoratifs.
Sculpteurs
2. Le plus grand et le plus connu des artistes biterrois de cette époque est sans aucun doute Jean-Antoine Injalbert (Béziers 1845 – Paris 1933). Béziers compte alors de nombreux tailleurs de pierre et il est le fils de l’un d’entre eux, Antoine Injalbert. Ce dernier, peu fortuné, mais habile et clairvoyant, voit rapidement que son fils est très doué pour la sculpture. Il le place chez l’un de ses concurrents Théodore Paul, qui est sculpteur ornemaniste, et lui fait connaître également le sculpteur Oliva qui était à Béziers pour réaliser le tombeau de l’ingénieur Jean-Baptiste Cordier. Passionné par cet apprentissage, le jeune Injalbert se rend à Paris où il va rapidement devenir l’un des élèves les plus doués de “l’École des Beaux-Arts”. Prix de Rome en 1874 pour la “Douleur d’Orphée“, il passera cinq ans à la “Villa Médicis”, qui marqueront fortement son œuvre. Revenu en France en 1880, il s’installe dans la capitale, reçoit de nombreuses commandes et connaît la gloire et les honneurs.
3. Parmi les grandes œuvres d’Injalbert créées à la fin du XIXe siècle, on compte “le buste de la République“, exécuté en 1889 et buste officiel de la IIIe République de 1890 à 1933, “La Bacchante au biniou”, “Ève après le péché”, “Hippomène”, “le Faune ivre” et de nombreuses décorations pour les villes de Tours, Orange, Orléans, Paris, Montpellier. Mais s’il crée pour des villes françaises ou étrangères, il n’oublie pas sa ville natale où il revient régulièrement en vacances. On lui doit le fronton de la Caisse d’Epargne, “le Titan” dans le jardin du Plateau des poètes, de belles tombes du Cimetière Vieux. Dans les premières années du XXe siècle, peu avant les événements de 1907, c’est le “Monument à Casimir Péret” qui marque l’œuvre d’Injalbert. Grâce à une souscription lancée par un comité dirigé par Antoine Moulin, le père de Jean Moulin, l’artiste érige une République surmontant une colonne et, à côté, une figure féminine de la résistance tenant une épée tronquée. Cette statue, très élégante, sera malheureusement fondue durant la deuxième guerre mondiale.
4. De 1906 date la statue de “Joffre” qui n’était encore que général, la plantureuse douleur du tombeau Fabre au Cimetière Vieux, et “le Triomphe de la République“, commandé par la Manufacture de Sèvres. Les tragiques événements de 1907 ne semblent pas avoir inspiré au sculpteur un thème particulier, seule “la Femme debout drapée” évoque la misère et la tristesse du temps.
5. Devenu professeur à l’Ecole des Beaux-Arts, Injalbert va recevoir dans son atelier parisien tous les jeunes Biterrois épris de sculpture. Il sera notamment le maître de Jean Magrou, Jacques Villeneuve, Louis Peyranne.
6. Le plus célèbre de tous ces élèves, Jean Magrou voit le jour à Béziers en 1869. Son père est lithographe sur les Allées Paul Riquet. Excellent élève du collège Henri IV, il est très doué pour l’histoire et le latin. En 1891, il “monte” à Paris où il va suivre les cours d’Injalbert. Le maître le considère comme l’un de ses meilleurs élèves et comme un excellent praticien auquel il confie de nombreuses tâches dans la réalisation des commandes qui lui sont adressées. Pour ses travaux personnels Magrou obtient le 2e Grand Prix de Rome en 1895 avec un haut-relief intitulé “Faune réveillé par les nymphes”. Le choix du thème mythologique et le style de l’œuvre sont très proches de ceux d’Injalbert. Le cortège dionysiaque est en effet l’un des sujets favoris du maître qui aime opposer la brutalité animale des faunes à la féminité et la douceur des nymphes. Par la suite Magrou va simplifier son style et même lui donner une forme stricte proche de l’archaïsme grec comme on peut l’observer dans “Le Génie latin“, actuellement installé sur le Carrefour de la Treille à Béziers.
7. L’une des œuvres les plus connues de Magrou a un rapport direct avec les événements de 1907, il s’agit de la décoration sculptée du mausolée du cardinal de Cabrières qui se trouve dans la cathédrale de Montpellier et dont les musées de Béziers possèdent des maquettes en plâtre. Au sommet de l’œuvre, on peut voir la statue du cardinal agenouillé, le bras appuyé sur un prie-Dieu. Sa longue cape repliée dans un drapé très élégant souligne l’envergure et la noblesse du personnage. Dans une première version actuellement au Musée des Beaux-Arts de Béziers, Jean Magrou avait prévu des blasons sur le socle ; dans la version définitive, il illustre l’action de Monseigneur de Cabrières à l’égard des révoltés. Celui-ci, en effet, a ouvert les portes de la cathédrale afin que les vignerons puissent s’y réfugier. Sur ce bas-relief, tout en longueur, il ouvre les bras pour accueillir la population, les hommes en tenue de travail, les femmes tenant un enfant dans les bras. Certains sont venus avec une charrette, d’autres avec leurs outils de vendange. Cette œuvre fourmille de vie. Elle est également très intéressante sur le plan stylistique car Magrou traite le bas-relief à la manière des ivoires byzantins en travaillant en aplat sur deux plans différents. La même année, Jean Magrou illustre en terre cuite plusieurs opéras donnés aux Arènes de Béziers notamment “Les Hérétiques” qui reprend le thème de la croisade contre les Albigeois. Ces panneaux de terre cuite traités en haut relief portent une dédicace “À mon excellent ami Castelbon de Beauxhostes”. Magrou relie ainsi deux formes d’art très florissantes à Béziers durant cette période, la musique et la sculpture.
8. Un autre élève d’Injalbert connaît de nombreux succès à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, il s’agit de Jacques Villeneuve. Né à Bassan en 1865, il est fils de viticulteur. Comme Jean Magrou, il se rend à Paris pour suivre les cours du maître. Plus classique que celui-ci, plus sérieux dans son inspiration, Jacques Villeneuve crée un “Orphée” de belle facture en 1894, une statue de “Job” très émouvante, des portraits de ses contemporains, et une “Bataille de Muret” en terre cuite, haut-relief au style plutôt pictural qui ne manque pas de mouvement et d’un véritable souffle épique. Mais c’est surtout avec son “Marsyas” présenté au “Salon de 1899” qu’il va se faire connaître. Le satyre, puni par Apollon pour avoir voulu rivaliser avec lui dans un concours de chant, se tord de douleur autour d’un tronc d’arbre. Il s’agit d’une belle étude de musculature et d’expression de la souffrance. L’œuvre en marbre qui date de 1904 est installée sur l’Esplanade de Montpellier. Un peu avant 1907, l’artiste crée aussi la statue de la République pour la ville de Montblanc. Il montre une femme à l’allure guerrière tenant un drapeau qui rappelle “La Liberté guidant de peuple” de Delacroix. Elle écrase un homme aux yeux bandés représentant sans doute les forces de l’obscurantisme.
9. Des particuliers lui commandent des tombeaux pour le Cimetière Vieux, notamment la famille Marcel, mais c’est surtout le “Monument à Ferdinand Fabre” de Bédarieux qui marque la période. L’écrivain occitan reçoit ici l’hommage du sculpteur et d’une population dont l’attachement à son terroir est de plus en plus souligné. Le berger et ses moutons entourent le personnage et l’enferment dans un mouvement plein de respect et d’affection.
10. Villeneuve a également participé à la décoration du jardin du Plateau des poètes avec la création d’un buste-gaine du félibre Jean Laurès sur lequel grimpe de la vigne. Littérature, arts plastiques et agriculture se mêlent ici dans un esprit régionaliste.
11. Pierre-Louis Peyranne est un autre élève d’Injalbert, né à Béziers en 1883. Son œuvre, moins étudiée pour l’instant que celle de Magrou ou de Villeneuve, est pourtant intéressante et pleine de charme. Le Musée des Beaux-Arts de Béziers possède le plâtre de la Charmeuse de cobra à Corinthe qui lui a valu une médaille d’or au Salon et Thaïa chanteuse égyptienne, deux œuvres d’inspiration orientaliste dont les détails sont précieux et raffinés. En 1911 il a également donné Portrait d’une des danseuses du bey de Tunis qui montre encore une fois un remarquable travail dans le rendu des vêtements.
12. Jean-Baptiste Malacan, né à Béziers en 1875 et fils du sculpteur Malacan, qui a produit de nombreuses œuvres religieuses pour les églises de Béziers dans la première partie du 19ième siècle. Élève de son père, il décore avec lui l’arc triomphal de Saint-Aphrodise et réalise une statue de Saint-François d’Assise pour la même église. Après avoir suivi les cours des écoles des Beaux-Arts de Toulouse, de Montpellier et de Paris il entre comme praticien chez Bourdelle. En 1898, il montre au Salon “Premier désir” un groupe plâtre dans lequel une vendangeuse assise sur des fagots de sarments présente une grappe de raisin à un enfant qui tente de l’attraper. En 1903 ce sera “Le Baiser de la sirène” que l’auteur donnera au Musée de Béziers, puis “La Vigne renaissante” en 1908 et de nombreux bustes de personnalités de la région.
Peintres
13. Si les sculpteurs étaient nombreux durant cette période, les peintres ne l’étaient pas moins. Quelque peu oubliés pendant une cinquantaine d’années car peu touchés par les mouvements avant-gardistes, ils sont peu à peu redécouverts et le Musée des Beaux-Arts de Béziers a contribué à les faire connaître grâce à des expositions organisées au cours des dernières décennies. Ces peintres se connaissaient, se stimulaient et s’intéressaient au patrimoine de leur ville. Plusieurs ont été conservateurs du musée comme Charles Labor, Gustave Fayet, Louis Paul. Polyvalents, ils ont illustré des journaux, décoré des hôtels particuliers ou des églises de la ville tandis que leurs collègues sculpteurs décoraient les places et les jardins.
Charles Labor 1813-1900. Paysagiste et fondateur du Musée de Béziers
14. Charles Labor n’a pas connu les événements de 1907, car il est mort en 1900, mais son action a été très importante dans les dernières années du XIXe siècle et son influence s’est prolongée bien après. Premier conservateur du “Musée des Beaux-Arts”, qu’il crée en 1959, il est membre de la “Société archéologique scientifique et littéraire de Béziers” dès ses débuts, et du milieu artistique biterrois jusqu’à ses derniers jours. Les catalogues des œuvres du musée et les mémoires de conservateur qu’il a rédigés sont encore très précieux à l’heure actuelle pour connaître l’histoire des collections.
15. En tant qu’artiste, il suit les cours de “l’École des beaux-arts” de Montpellier, puis part à Paris où il apprend la technique du paysage avec Gabriel Decamps. Son travail, très proche de celui des peintres de Barbizon dont Decamps fait partie, influencera dans ce sens les peintres biterrois. Il leur apprendra en particulier à regarder autour d’eux et à voir la beauté des sites à l’intérieur et à l’extérieur de la ville. Les titres de ses œuvres montrent son attachement pour la région : “La place couverte à Béziers, “La plaine du Rebaut au soleil couchant”, “La ville et les moulins de Bagnols le matin”, “La plaine de Tarassac sous la neige”, “La plage de Vendres et le temple de Vénus“, ou encore “Cabanes au bord de la mer à l’embouchure de l’Aude”. Grâce à son influence, les peintres biterrois vont abandonner peu à peu le paysage idyllique ou italianisant pour s’intéresser à leur environnement immédiat.
16. Contemporain d’Injalbert, Joseph-Noël Sylvestre naît en 1847 à Béziers dans une famille modeste d’artisans boulangers. Doué dès l’enfance pour la peinture et le dessin, il obtient une bourse de la ville pour aller étudier à Paris, bourse qu’il va partager avec Injalbert. Il devient ainsi l’élève d’Alexandre Cabanel qui va fortement l’influencer et se dirige grâce à lui vers la grande peinture d’histoire dans un style que l’on peut qualifier de « pompier ». Il n’arrive pas à obtenir le Grand Prix de Rome mais reçoit cependant de nombreuses récompenses au Salon. Il connaît donc en France et dans sa ville natale un grand succès. Trois de ses toiles rentrent au Musée de Béziers : “La mort de Sénèque”, “Le Gaulois Ducar décapite le général romain Flaminius à la Bataille de Trasimène“, et “Assassinat de Trencavel”. Cette dernière œuvre commandée par la ville illustre l’assassinat au XIIe siècle du vicomte Raymond Trencavel par un groupe de bourgeois mécontents. Longtemps présentée dans l’escalier de la mairie de Béziers, elle est aujourd’hui installée dans le bas-côté nord de l’église de la Madeleine. Comme Injalbert, Sylvestre a vécu une grande partie de sa vie à Paris mais il est toujours resté très attaché à sa ville d’origine, correspondant avec Charles Labor et Jacques Villeneuve, son ami de jeunesse qui a fait de lui un portrait assis d’un réalisme étonnant.
17. En 1900, c’est Gustave Fayet qui succède à Charles Labor à la tête du musée après avoir exercé les fonctions d’adjoint. Né dans une riche famille, il est passionné de peinture, collectionneur éclairé mais aussi peintre car élevé depuis sa plus tendre enfance dans un milieu favorable. Son père Gabriel et son oncle Léon ont été des élèves de Daubigny et ont donné dans les années 1850-1860 de nombreux paysages encore un peu idéalisés mais montrant une grande sensibilité et un goût profond pour la nature. En témoignent plusieurs œuvres du Musée des Beaux-Arts, “Vue de Béziers”, “Les bords de l’Agout” par Gabriel Fayet et “Ferme sous bois” par Léon Fayet.
18. Gustave va peindre dans un style naturaliste proche de celui de son père puis sa palette s’éclaircira, se renforcera de nuances fauves au début du XXe siècle moment où il fréquente, à
19. Paris, les artistes les plus en pointe. Les œuvres de cette époque présentes dans des collections particulières “Les cyprès bleus” ou “Mer, rochers et ciel oranger”, “La Route mystérieuse” montre son goût pour une peinture aux couleurs audacieuses et à l’atmosphère symboliste. Il est très lié avec Odilon Redon, Emile Schuffenecker et Georges-Daniel de Monfreid grâce à qui il va pouvoir acheter de nombreuses œuvres de Gauguin.
20. Par ailleurs, il organise avec son ami Maurice Fabre les expositions remarquables de la Société des beaux-arts, dans la salle Berlioz, rue Solferino à Béziers. Celle de 1901, en particulier, permet de voir accrochées aux cimaises des œuvres de Picasso, Cézanne, Van Gogh, Odilon Redon, Vuillard, Rodin. Comme l’a dit Jean Lepage “La pénétration des nouveaux courants picturaux dans le Languedoc-Roussillon à la fin du XIXe siècle revient essentiellement à Gustave Fayet”.
21. A partir de 1908, Fayet s’installe dans “l’abbaye de Fontfroide”, qu’il a achetée et y reçoit des amis musiciens, peintres, écrivains qui constituent un milieu culturel bouillonnant.
22. Parmi ces amis de Gustave Fayet il y a le peintre, sculpteur et céramiste Louis Paul. Cet artiste est né à Béziers en 1854. Fils de Théodore Paul, le premier maître d’Injalbert, il part comme ce dernier à Paris grâce à une bourse de la ville. Il y suit les cours de peinture d’Alexandre Cabanel et de Jean-François Millet et les cours de sculpture de Dubois et de Rodin. Il est, par ailleurs, très doué pour le dessin et la caricature. En 1881, il expose au “Salon” une statue de Jeanne d’Arc qui sera son chef-d’œuvre en sculpture. A la fin des années 1880, il se lie d’amitié avec de nombreux artistes, en particulier avec Georges-Daniel de Monfreid, et, grâce à lui, a l’occasion de rencontrer Gauguin, avant son départ pour Tahiti.
23. En 1883, il se marie avec une Biterroise et s’installe à Béziers d’où il ne repartira pas. Il loge dans le même quartier que Charles Labor et devient après la mort de celui-ci adjoint de Gustave Fayet à la conservation du Musée des Beaux-Arts. Il lance avec lui une fabrication de céramiques, principalement des grès qui seront estampillés de leurs initiales entrecroisées. Elles participeront à de nombreuses expositions notamment à Paris dans la galerie Bing.
24. En peinture, il travaille beaucoup avec Georges-Daniel de Monfreid, faisant avec celui-ci des promenades dans les Pyrénées-Orientales du côté de Vemet-les-bains, d’Angoustrine et de Mont-Louis. Il en rapporte des paysages colorés, sensibles à la beauté un peu sauvage des montagnes environnantes. Peu à peu il éclaircit sa palette sous l’influence des amis qu’il retrouve à Fontfroide.
25. Touche à tout, Louis Paul est également un illustrateur de grand talent. Il est à l’origine du journal “Tout Béziers y passera” qui, dans les premières années du XXe siècle, va amuser la ville par ses caricatures des personnalités biterroises. Plus tard il effectuera de nombreuses décorations peintes pour l’Hôtel du Lac, l’église Saint-Jude de Béziers, l’église de Saint-Chinian, ainsi que des sculptures pour des tombes du Cimetière Vieux et le monument à Charcot de Lamalou-les Bains. Mais son œuvre majeure reste “Les événements de 1907″ (Béziers 21 juin 1907) qu’il peint un an après la crise viticole. Cette toile montre le moment où Antoine Palazy, vice- président du Syndicat des vignerons, tend au général Bailloud le faux télégramme de Clemenceau garantissant aux mutins qu’aucune punition individuelle ne leur sera infligée. Louis Paul réalise une œuvre à la fois picturale et sociologique très influencée par les peintres de bataille du XIXe siècle comme Alfred Dehodenq et Étienne Dujardin-Beaumetz. Les personnages sont nombreux, serrés, les couleurs vives montrent la violence des événements. Après sa création, le tableau est resté dans la famille Palazy qui en a fait don à la ville en 1953. Après avoir été exposé dans la mairie de Béziers, il est entré dans les collections du Musée des Beaux-Arts. Sur le même sujet, un autre tableau de taille plus réduite se trouve au Musée du Biterrois, il représente “Les mutins sur les Allées Paul Riquet”. Les soldats installés sur les Allées Paul Riquet sont encouragés par la population biterroise. Louis Paul effectue ainsi une sorte de reportage sur les événements qui ont marqué la période.
26. Plus léger dans son inspiration, Georges Roux a également sa place dans ce milieu artistique si riche et si vivant. Fils d’un libraire de Ganges, c’est à Béziers qu’il fait carrière après être passé par” “l’École des beaux-arts” de Montpellier et celle de Paris avec pour maître Alexandre Cabanel. Ses portraits et ses paysages sont d’une grande délicatesse comme on peut le voir dans le “Portait de jeune fille” du musée de Béziers. Mais il est également connu comme décorateur. Un immeuble situé sur les allées montre en effet un escalier entièrement peint de scènes joyeuses et enlevées où de jeunes femmes en robe 1900 s’ébattent dans un jardin. Il a été aussi l’illustrateur de Jules Verne, Stevenson et Alphonse Daudet.
27. C’est à Béziers qu’Eugène Brunel, né en Avignon en 1854 vient s’installer vers la fin du siècle, peignant “Les bords de l’Orb”, “Les peupliers argentés du Bosquet” ou “Vue des cabanes au bord de mer à Vendres”. Il tient une boutique de couleurs dans la rue Viennet et l’on peut penser que dans une ville aussi favorable aux artistes ses affaires ont dû rapidement prospérer.
28. Tous ces artistes qu’ils soient peintres, sculpteurs, céramistes, étaient pleins d’enthousiasme. Les particuliers qui faisaient appel à eux étaient souvent aisés mais pas toujours très fortunés. Durant cette période exceptionnelle chacun voulait posséder des œuvres d’art dans sa maison ou dans son jardin. L’atmosphère de la Belle époque y était certainement pour quelque chose mais aussi la prospérité de la ville, donnée par la culture de la vigne, qui faisait régner une certaine insouciance et l’envie de vivre intensément. Le réveil allait être dur dans les premières années du XXe siècle avec la mévente du vin et les événements de 1907. Après 1910, le déclin commence. Avec la guerre de 14-18, il va s’accentuer et ce n’est qu’après cette guerre que va avoir lieu un renouveau avec des artistes comme Marcel Causse ou Raoul Guiraud. Ce dernier décorera la salle du “Conseil municipal” et la “Chambre de commerce” ainsi que de nombreux hôtels particuliers. Actuellement la ville se rénove et se penche aussi sur son passé en essayant de mettre en valeur ce riche patrimoine.
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Source :
https://books.openedition.org : La révolte du midi viticole – cent ans après 1907 – 2007 Nicole Riche p. 313 – 320
http://www.culture.gouv.fr 29.1.2020