La ville de Béziers, dans l’Hérault, apprenait le 1er septembre 1944 la disparition d’un de ses enfants, le dentist Pierre Laget, mort à l’autre bout du monde, au bagne de Cayenne. Qui était ce mystérieux, ce notable que l’Etat français avait décoré de la Légion d’honneur et de la Croix de Guerre ? Médecin honorable et apprécié, cet homme sera pourtant soupçonné d’avoir diaboliquement empoisonné quatre membres de sa famille, ce qu’il niera toute sa vie !

L’incroyable histoire d’un médecin dentiste de Béziers, Pierre Laget, condamné pour avoir mortellement empoisonné sa seconde épouse en 1929, puis d’avoir tenté d’empoisonner sa sœur cadette entre décembre 1929 et février 1930. Cependant, par manque de preuves, il fut acquitté pour le meurtre de sa première épouse en 1922 et non poursuivi pour la mort suspecte de sa tante en 1923.
Jeune homme de bonne famille, Pierre Laget suit des études brillantes et ouvre, à tout juste 24 ans, son cabinet dentaire en plein centre-ville de Béziers. Le jeune médecin est bel homme, intéressant et agréable, si bien que très vite il compte les plus riches biterrois parmi ses patients. On l’invite à tous les dîners mondains de la ville et les jeunes femmes sont toutes à ses pieds. C’est lors d’un cocktail que le célibataire le plus prisé de la ville rencontre, en 1916, Sarah Alexandre, héritière d’une riche famille de la région. Elle est jolie, intelligente, et, à 29 ans, Pierre Laget se dit qu’elle fera l’épouse parfaite. Ils se marient donc en grandes pompes et donnent très rapidement naissance à deux enfants. A Béziers, les Laget incarnent, en apparence du moins, la famille idéale.
La réalité est bien moins reluisante. Pierre Laget n’est pas très concerné par son travail, il délaisse son cabinet, arrive toujours en retard… Résultat, les patients se lassent, et le carnet de rendez-vous du médecin se vide. A la place, le Dr Laget en profite pour accueillir dans son cabinet ses très nombreuses maîtresses. Et quand il n’est pas avec des femmes, il joue le peu d’argent qu’il gagne en bourse.
Sarah, elle, découvre vite le double jeu de son mari. Et les disputes, d’abord en privé, finissent par se multiplier, même devant la famille. Noémie, la sœur de Sarah et son mari Georges Leboucher sont souvent témoins de ces scènes. Ils calment régulièrement la jeune épouse et la dissuadent d’envisager un divorce.
Un pactole en héritage
Un matin, Sarah Laget tombe malade, elle ne peut sortir du lit et vomit la moindre nourriture. Les médecins sont impuissants. Ils pensent à un cancer, mais, à l’époque, on ne sait presque rien sur cette maladie. Le Dr Laget, lui, ne s’inquiète pas tellement, tout juste tente-t-il de soulager sa femme avec des tisanes de son invention. Et, le 28 mai 1922, Sarah décède. Georges, son beau-frère, fait part à la famille Alexandre de ses soupçons : et si le dentiste y était pour quelque chose? D’autant plus qu’on apprend, quelques jours après les funérailles que Sarah Laget a légué la somme 262 000 francs à ses enfants et que c’est leur père qui, jusqu’à leur majorité, aura l’usufruit de ce petit pactole…

Le veuf, lui, ne met pas longtemps à se remettre du décès de son épouse. Quelques mois plus tard, il décide de prendre une seconde épouse et son choix se porte sur la sœur de Sarah, Suzanne. La famille Alexandre, qui connaît bien les penchants du dentiste pour les femmes et l’argent ne se réjouit pas du mariage, mais les parents se résignent quand même à payer la dot : 300 000 francs qui viennent encore renflouer le compte en banque du Dr Laget. Et celui-ci compte bien en profiter. Il s’offre notamment une gigantesque villa dans le Tarn et d’autres biens immobiliers. Il continue à sortir, à dilapider son argent. Trois ans à peine après son mariage, Pierre Laget est de nouveau ruiné.
Une agonie de plusieurs mois
Soudain, Suzanne tombe malade. Les symptômes sont très proches de ceux qui ont touché sa sœur des années auparavant. La jeune femme reste agonisante pendant plusieurs mois, elle perd la vue, ne parle plus, puis décède le 12 avril 1929. C’est forcément une maladie héréditaire conclut le dentiste. La famille Alexandre, elle, est plus soupçonneuse et commence à se dire que l’attitude de Pierre Laget est douteuse. Surtout qu’une fois encore il y a une affaire d’argent. Lorsqu’il a épousé Suzanne, Pierre a ouvert une assurance vie au nom de son épouse. Si elle venait à mourir, il toucherait pas loin de 100 000 francs.
Là encore, le dentiste ne met pas bien longtemps à se remettre du deuil de son épouse. Quelques jours seulement après les obsèques, il annonce vouloir se remarier. Cette fois, il veut se ranger en épousant l’une de ses maitresses. Mais sa sœur, Marie-Louise, est fermement opposée à cette idée d’un troisième mariage. De plus, elle harcèle son frère pour qu’il lui rende les 172 000 francs qu’elle lui a prêtés quelques années plus tôt. Une dispute éclate entre le dentiste et sa jeune sœur…. Et, quelques jours plus tard Marie-Louise tombe malade. Les symptômes sont toujours les mêmes. Mais, cette fois, le médecin personnel de la malade, le Dr Roulleau réussit à la soigner. Très vite il conseille à la famille de placer Marie-Louise dans un établissement spécialisé, et il interdit Pierre Laget de visites. En effet, le médecin soupçonne sa patiente d’être victime d’un empoisonnement, et il est presque certain que son frère qui a tenté de la tuer.

Plainte pour tentative d’empoisonnement
En deux jours sans aucun contact avec Pierre, Marie-Louise va mieux. Elle confie à son médecin que, ces derniers temps, son frère venait lui rendre visite tous les jours pour boire le thé, et elle reconnaît qu’à chaque fois elle ne se sentait pas très bien après son départ. Sur les conseils du docteur Roulleau, Marie-Louise porte plainte contre le Dr Pierre Laget pour tentative d’empoisonnement. La famille Alexandre se joint à la plainte.
En février 1930, le Dr Pierre Laget est arrêté et placé en prison. Bien entendu, il clame son innocence. Et beaucoup le croient. D’ailleurs, à Béziers, une folle rumeur s’installe : Marie-Louise aurait une liaison avec un homme marié qui lui aurait transmis la syphilis et l’aurait mise enceinte. En lui faisait avaler de l’arsenic, le Dr Laget tentait simplement discrètement de “faire passer” l’enfant et de soigner sa maladie.
Marie-Louise est donc contrainte de se soumettre à tout un tas d’examens médicaux. Les résultats sont sans appel : non seulement la jeune femme n’a jamais été enceinte, elle n’a pas non plus eu la syphilis, mais surtout, elle a bien été empoisonnée avec de l’arsenic qu’on lui a fait avaler de façon régulière.
Condamné à mort

Quelques semaines plus tard, les corps de Sarah et Suzanne sont exhumés en vue d’être autopsié. Dans le cimetière, le Dr Laget assiste à la scène impassible. Les conclusions révèlent que la seconde épouse de Dr Laget a elle aussi été empoisonnée à l’arsenic. Impossible, en revanche de dire de quoi est morte Sarah Laget, le corps est en trop mauvais état.
Le 3 juin 1931, le docteur Pierre Laget est donc jugé, à Montpellier, pour le meurtre de sa seconde épouse et une tentative d’empoisonnement sur sa sœur cadette. Le procès de ce personnage qui reste froid tout au long des débats fascine les amateurs de faits divers. Le médecin continuera inlassablement à clamer son innocence, arguant que c’est peut-être les victimes elles-mêmes qui venaient se procurer l’arsenic dans son cabinet. Cela ne prendra pas aux yeux des juges. Pierre Laget est reconnu coupable et condamné à mort.
Le 29 septembre 1931, le président de la République Paul Doumer gracie Pierre Laget. Ce dernier est finalement envoyé au bagne, à Cayenne, en octobre 1931, où il travaille plusieurs années comme infirmier.
En 1938, il obtient une commutation de peine pour bonne conduite qui réduit sa peine à 20 ans de travaux forcés.
Ne pouvant plus supporter d’être considéré comme un assassin, il se suicide le 1er septembre 1944, en avalant une forte dose de poison. Il laisse une lettre qui sera découverte le matin même de sa mort.
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Source :
https://lesgeneralistes-csmf.fr – histoire-dr-pierre-laget-le-dentiste-empoisonneur-de-femmes 13.11.2015
D’après Les Nouvelles affaires criminelles de France, de Sylvain Larue, Rtl.fr et Midilibre.fr
http://www.egora.fr – Auteur : A.B.